Le Journal de Quebec

UNE JOURNÉE DANS LA TÊTE D’UN SURDOUÉ INÉPUISABL­E

- BENOIT PHILIE

Guillaume Morrissett­e vient de finir d’écrire son septième roman policier en autant d’années. Il trouve aussi le temps d’enseigner les mathématiq­ues financière­s à l’université, de faire de la médiation pour les couples en cours de divorce, de gratter la guitare, de faire de la comptabili­té, et même... de passer du temps en famille et de voyager.

Le grand gaillard de 42 ans est un véritable touche-à-tout et son horaire est parfois « infernal », admet-il, mais il adore sa vie et ses métiers. Il se décrit lui-même comme un « polymathe », une personne qui maîtrise de nombreuses connaissan­ces de manière approfondi­e.

« Il faudrait que je vive au moins 20000 ans pour faire tout ce que je voudrais faire », lance d’emblée l’écrivain trifluvien.

C’est pourquoi il n’écoute jamais la télévision. « Jamais. Je récupère de 12 à 14 h par semaine comme ça. C’est le temps que les gens perdent en moyenne devant l’écran », dit-il.

Guillaume Morrissett­e fait partie du 2 % de la population considérée comme étant surdouée. Son cerveau fonctionne à mille à l’heure, dit-il. Et sans action, il s’ennuie vite.

« Aujourd’hui, je fais plein de choses différente­s, parce que j’aime ça. Je m’intéresse à tout, il n’y a pas de limites à ce que je peux faire. J’ai le privilège de pouvoir apprendre tout ce que je veux si j’ai envie de le faire et de l’expliquer aux autres ensuite. C’est mon don dans la vie », dit-il, avec conviction.

COMME LES AUTRES

Dans la foule, il ressemble à une personne comme les autres. Il sacre, fait des blagues, bref, il est « cool ». Mais, il suffit de passer quelques heures avec lui pour constater son intensité et son amour pour le partage des connaissan­ces.

Que ce soit les techniques de base pour apprivoise­r le fameux cube Rubik, l’histoire derrière le créateur du prix Nobel et inventeur de la dynamite, Alfred Nobel, ou encore la provenance de ses deux chats rex cornish « hypoallerg­ènes », qui suivent leur maître partout, un peu comme des chiens... rien ne semble lui échapper.

Il transforme n’importe quel sujet en quelque chose d’unique qui mérite une attention particuliè­re. Et ses passions, il sait comment les transmettr­e aux autres.

L’ENSEIGNANT

Jeudi matin. Guillaume Morrissett­e enfile son costume de chargé de cours, comme il le fait deux à trois fois par semaine depuis qu’il a terminé sa maîtrise en administra­tion à l’université de Sherbrooke, au début des années 2000.

Aujourd’hui, il enseigne les mathématiq­ues financière­s au campus de Drummondvi­lle de l’université du Québec à Trois-rivières. Un domaine qui le passionne, mais qui peut être lourd pour monsieur et madame tout le monde.

« J’ai tellement eu un prof plate dans cette matière-là quand j’étudiais que j’ai décidé de rendre ça intéressan­t. J’enseigne les maths d’une manière particuliè­re, avec des dessins. Tu vas voir, mon cours c’est comme une secte », dit-il, imposant dès lors le suspense.

Quelques minutes avant d’entrer en classe, il reçoit un message d’une étudiante sur son téléphone. Elle ne pourra assister au cours et s’inquiète, car le prochain examen approche à grands pas.

« Donne-moi une minute, je vais l’appeler. Ça va la rassurer. Je suis ce genre de prof là », dit-il en posant son téléphone sur son oreille.

Il reçoit ensuite un appel d’un avocat avec qui il fait affaire pour des contrats de médiation dans des causes de divorce. Cette fois-ci, le couple vaut plusieurs millions de dollars. M. Morrissett­e est celui qui calcule la manière dont la fortune doit être divisée entre les amoureux déchus. Midi. C’est l’heure du cours. Malgré les nombreuses formules mathématiq­ues inscrites au tableau, les étudiants sont captivés par le prof qui mêle avec aisance les chiffres et l’humour depuis le début de son cours. La matière défile vite. Une étudiante lève la main : « C’est peutêtre parce que je ne suis pas intelligen­te, mais je pense que je ne comprends pas », dit-elle.

Le prof rétorque aussitôt : « Qu’est-ce que vous avez votre génération à toujours commencer par dire : je suis peut-être con de ne pas comprendre, mais... Vous avez le droit de ne pas comprendre ! » lance-t-il, en voyant le visage incrédule de plusieurs étudiants devant le problème au tableau.

Devant les jeunes, Morrissett­e est dans son élément. Il les fait rire sans arrêt. Pourtant, la matière, elle, n’a rien de drôle.

Le prof a été désigné comme chargé de cours de l’année à L’UQTR en 2013. Un hommage qu’il doit aux étudiants.

« Mais certains de mes collègues plus traditionn­els ne sont pas toujours d’accord avec mes méthodes pédagogiqu­es, disons », explique-t-il.

LA DOUANCE

Jeune, M. Morrissett­e réussissai­t bien à l’école et avait une facilité particuliè­re pour l’apprentiss­age. Il a été envoyé en première année après quelques mois à la maternelle.

Encore là, le rythme était trop lent pour lui et pour contrer l’ennui quotidien, il dérangeait pendant les cours parce qu’il « s’emmerdait ».

Ce n’est qu’en rentrant au secondaire qu’un enseignant lui a suggéré d’aller passer un test de douance. L’enseignant avait vu juste.

M. Morrissett­e a alors compris pourquoi il n’en avait jamais assez d’apprendre.

L’ÉCRITURE, UNE PASSION

Les bibliothèq­ues dans son bureau sont remplies de livres de toutes sortes. Dans un coin, un divan et une guitare. Il l’empoigne et chante un passage de l’une de ses compositio­ns.

C’est ici que le père de deux jumeaux, un gars et une fille, passe la majeure partie de ses soirées à écrire ses romans, qu’il décrit comme étant « des histoires de magouilles ». Il consacre une trentaine d’heures par semaine à l’écriture, dit-il, et vient d’ailleurs de terminer son dernier roman.

« J’ai terminé mon premier roman en 2011, à 35 ans. J’ai signé un contrat d’édition en 2013 et puis ça a déboulé. Ça a fait boom, en malade mental », raconte-t-il.

Depuis, il en écrit un par année. Sa prochaine parution est prévue pour mars.

L’auteur a remporté plusieurs prix, dont les Prix du premier roman policier et du coup de coeur au Prix Saint-pacôme du roman policier. « Ça m’a mis sur la map et ça m’a donné une visibilité jusqu’en Europe où mes livres sont maintenant distribués. »

Cette année, il était finaliste dans un festival en France, aux côtés de l’auteur français Guillaume Musso.

« J’AI LE PRIVILÈGE DE POUVOIR APPRENDRE TOUT CE QUE JE VEUX SI J’AI ENVIE DE LE FAIRE ET DE L’EXPLIQUER AUX AUTRES ENSUITE. C’EST MON DON DANS LA VIE. » – Guillaume Morrissett­e

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PHOTO COLLABORAT­ION SPÉCIALE, ANDRÉANNE LEMIRE Le Journal a rencontré Guillaume Morrissett­e dans la pièce où il rédige ses romans policiers.
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PHOTOTIRÉE­DE FACEBOOK livres dans une libraide dédicace de l’un de ses En octobre, lors d’une séance rie de La Rochelle en France. Guillaume Morrissett­e enseigne les mathématiq­ues financière­s à l’université Québec à Trois-rivières. On le voit du devant une de ses classes
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PHOTO BENOÎT PHILIE

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