Les oubliés du Proche-orient
On se fatigue de tout. Il y a 70 ans, au lendemain de la création de l’état d’israël et de la guerre israélo-arabe qu’elle a entraînée, il existait une réelle sympathie à l’égard des réfugiés palestiniens. Aujourd’hui, ils sont une nuisance… quand on se souvient encore d’eux.
Il faut rendre à Donald Trump ce qui lui revient : il a réussi à rappeler à tout le monde le sort peu enviable des Palestiniens sous occupation militaire israélienne et des autres, squatteurs involontaires des pays voisins.
Le président américain, en décidant de suspendre le versement de la contribution des États-unis au budget d’une agence des Nations Unies, a pointé, probablement sans le vouloir, un immense phare sur les descendants des 700 000 Palestiniens qui ont fui leur terre natale en 1948-49, soit parce que terrorisés par la guerre, soit parce que refusant de vivre sous autorité israélienne.
L’ONU, tout fraîchement créée elle-même, avait établi à l’époque une agence d’aide à tous ces réfugiés palestiniens, L’UNRWA. Les 700 000 sont devenus cinq millions au fil du temps, éparpillés en Jordanie, au Liban, en Syrie, ainsi que dans les deux territoires palestiniens de Cisjordanie et de la Bande de Gaza.
TOUS LES MOYENS SONT BONS
Donald Trump a une certaine idée de la paix au Proche-orient, mais comme pour presque tout au sein de son administration, c’est une idée plutôt floue. Pour ce qu’on en comprend, elle plaît bien aux Israéliens : Jérusalem reconnue comme capitale d’israël ; les implantations juives en territoires palestiniens laissées telles quelles ; une animosité ravivée à l’égard de l’iran.
Trump n’a encore rien de concret à leur offrir, mais il veut tout de même que les Palestiniens sautent dans son train. Et devant leurs réticences, il s’est rabattu sur ses réflexes de businessman, d’homme « transactionnel » : je vous donne ci en échange de ça ; vous n’appuyez pas mes (vagues) projets pour la région, je ne vous verse plus les millions de dollars d’aide pour vos apatrides.
UNE AGENCE EN MAL DE FIABILITÉ
L’UNRWA n’est pas sans reproches. Les Israéliens jugent que l’existence même de l’agence empêche l’intégration des descendants palestiniens aux sociétés dans lesquelles ils évoluent maintenant. Une intégration qui arrangerait d’autant plus les Israéliens qu’ils n’auraient plus à assumer leur part dans la Nakba, la « catastrophe » comme les Palestiniens appellent l’exode de leurs terres.
L’agence onusienne s’est aussi fait reprocher sa collaboration avec le Hamas dans la Bande de Gaza, l’organisation terroriste qui a déjà utilisé, c’est connu, des écoles pour y cacher de l’armement et des missiles. C’est d’ailleurs ce qui avait poussé le gouvernement conservateur de Stephen Harper en 2010 à mettre fin à la contribution canadienne. Pierre Krähenbühl, commissaire général de L’UNRWA depuis 2014, a admis les errements politiques passés de son agence. Ça ne se reproduira plus, a-t-il promis.
À l’automne 2016, Ottawa a rétabli sa participation au budget de L’UNRWA avec un don de 25 millions de dollars. C’est que l’agence, à ce moment-ci, est à peu près tout ce qui reste comme poignée à laquelle s’accrocher ou, si vous préférez, comme calmant pour les Palestiniens, les jeunes en particulier, qui font 30 % de la population.
Si on leur ferme leurs écoles, qu’on limite leurs soins de santé et qu’on réduit encore davantage leurs standards de vie — tout ce que L’UNRWA essaie tant bien que mal de sauvegarder depuis 1949 — il ne restera plus que la révolte à ces jeunes Palestiniens pour se faire respecter. Pas sûr que ce soit ce que nous voulions.