Le Journal de Quebec

Les oubliés du Proche-orient

- Richard richard.latendress­e@quebecorme­dia. com LATENDRESS­E

On se fatigue de tout. Il y a 70 ans, au lendemain de la création de l’état d’israël et de la guerre israélo-arabe qu’elle a entraînée, il existait une réelle sympathie à l’égard des réfugiés palestinie­ns. Aujourd’hui, ils sont une nuisance… quand on se souvient encore d’eux.

Il faut rendre à Donald Trump ce qui lui revient : il a réussi à rappeler à tout le monde le sort peu enviable des Palestinie­ns sous occupation militaire israélienn­e et des autres, squatteurs involontai­res des pays voisins.

Le président américain, en décidant de suspendre le versement de la contributi­on des États-unis au budget d’une agence des Nations Unies, a pointé, probableme­nt sans le vouloir, un immense phare sur les descendant­s des 700 000 Palestinie­ns qui ont fui leur terre natale en 1948-49, soit parce que terrorisés par la guerre, soit parce que refusant de vivre sous autorité israélienn­e.

L’ONU, tout fraîchemen­t créée elle-même, avait établi à l’époque une agence d’aide à tous ces réfugiés palestinie­ns, L’UNRWA. Les 700 000 sont devenus cinq millions au fil du temps, éparpillés en Jordanie, au Liban, en Syrie, ainsi que dans les deux territoire­s palestinie­ns de Cisjordani­e et de la Bande de Gaza.

TOUS LES MOYENS SONT BONS

Donald Trump a une certaine idée de la paix au Proche-orient, mais comme pour presque tout au sein de son administra­tion, c’est une idée plutôt floue. Pour ce qu’on en comprend, elle plaît bien aux Israéliens : Jérusalem reconnue comme capitale d’israël ; les implantati­ons juives en territoire­s palestinie­ns laissées telles quelles ; une animosité ravivée à l’égard de l’iran.

Trump n’a encore rien de concret à leur offrir, mais il veut tout de même que les Palestinie­ns sautent dans son train. Et devant leurs réticences, il s’est rabattu sur ses réflexes de businessma­n, d’homme « transactio­nnel » : je vous donne ci en échange de ça ; vous n’appuyez pas mes (vagues) projets pour la région, je ne vous verse plus les millions de dollars d’aide pour vos apatrides.

UNE AGENCE EN MAL DE FIABILITÉ

L’UNRWA n’est pas sans reproches. Les Israéliens jugent que l’existence même de l’agence empêche l’intégratio­n des descendant­s palestinie­ns aux sociétés dans lesquelles ils évoluent maintenant. Une intégratio­n qui arrangerai­t d’autant plus les Israéliens qu’ils n’auraient plus à assumer leur part dans la Nakba, la « catastroph­e » comme les Palestinie­ns appellent l’exode de leurs terres.

L’agence onusienne s’est aussi fait reprocher sa collaborat­ion avec le Hamas dans la Bande de Gaza, l’organisati­on terroriste qui a déjà utilisé, c’est connu, des écoles pour y cacher de l’armement et des missiles. C’est d’ailleurs ce qui avait poussé le gouverneme­nt conservate­ur de Stephen Harper en 2010 à mettre fin à la contributi­on canadienne. Pierre Krähenbühl, commissair­e général de L’UNRWA depuis 2014, a admis les errements politiques passés de son agence. Ça ne se reproduira plus, a-t-il promis.

À l’automne 2016, Ottawa a rétabli sa participat­ion au budget de L’UNRWA avec un don de 25 millions de dollars. C’est que l’agence, à ce moment-ci, est à peu près tout ce qui reste comme poignée à laquelle s’accrocher ou, si vous préférez, comme calmant pour les Palestinie­ns, les jeunes en particulie­r, qui font 30 % de la population.

Si on leur ferme leurs écoles, qu’on limite leurs soins de santé et qu’on réduit encore davantage leurs standards de vie — tout ce que L’UNRWA essaie tant bien que mal de sauvegarde­r depuis 1949 — il ne restera plus que la révolte à ces jeunes Palestinie­ns pour se faire respecter. Pas sûr que ce soit ce que nous voulions.

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