Le Journal de Quebec

« C’est douloureux de savoir qu’un être cher est parti »

Dans un récit autobiogra­phique touchant, le chef cuisinier raconte le deuil de sa femme morte d’un cancer

- MARIE-FRANCE BORNAIS

Dans un livre-témoignage émouvant, le chef cuisinier Jérome Ferrer partage le désarroi, la tristesse et le sentiment d’impuissanc­e qu’il a vécus en accompagna­nt sa conjointe Virginie jusqu’à son dernier souffle. Atteinte d’un cancer fulgurant, elle a quitté ce monde à 37 ans, en 2010.

Cette épreuve est survenue au moment où le couple tentait de fonder une famille. Virginie, après une deuxième fausse couche, a appris qu’elle avait un cancer du poumon de stade 4. Du jour au lendemain, le couple est passé du rêve à la tragédie, raconte Jérome Ferrer dans les pages de son livre intitulé Faim de vivre.

Plongé dans un combat injuste avec le cancer, qu’il appelle « l’imposteur » dans son récit, il a voulu aider en cherchant mille et une façons d’alléger les souffrance­s de sa conjointe, entre autres en lui cuisinant des plats lui rappelant de bons souvenirs et son enfance.

Mais Virginie, malgré son courage, son désir de se battre, son acharnemen­t, a perdu son combat.

Le 13 février 2010, Jérôme Ferrer a dû affronter une autre épreuve : faire le deuil de sa conjointe qu’il adorait.

Ils se connaissai­ent depuis leurs études en France et avaient formé un couple bien des années plus tard, au Québec.

Après la mort de sa conjointe, la route a été longue et difficile pour qu’il retrouve le goût de vivre.

« C’est la première fois vraiment que j’ose m’ouvrir autant », partage le Montréalai­s de 43 ans, en entrevue.

« À la fois, ç’a été un peu thérapeuti­que, pour terminer un deuil. Je m’étais aperçu que ce deuil, je ne l’avais pas vraiment fait. Ce livre, franchemen­t, m’a coûté très cher : ç’a été au prix d’une dépression, à la fin de l’écriture. Il a fallu ouvrir une boîte à souvenirs que je voulais à tout prix avoir enfouie au fond de la terre, et il fallait la ressortir.

Quand Virginie est décédée, elle s’était tellement battue avec acharnemen­t que je me suis fait la promesse que, à ma façon, je continuera­is à faire ce combat pour aider les autres qui sont présenteme­nt dans le combat. Ceux qui se battent avec la maladie et ceux qui accompagne­nt les combattant­s. »

AIDER AVANT TOUT

Il ne veut tirer aucun profit financier du livre – les bénéfices seront versés à des organismes.

« C’est un livre souvenir pour aider les gens qui seront dans la même situation que moi, c’est-à-dire désemparés face à l’inconnu, face à ne pas savoir comment s’y prendre, face à la maladie, et surtout face à l’alimentati­on. Moi-même, comme cuisinier, j’étais désemparé. Je ne savais même pas par quoi commencer pour la nourrir. Alors c’est sûr que quelqu’un qui ne nage même pas dans mon univers peut être troublé. »

Généreux, Jérôme Ferrer souhaite avant tout être utile.

« Si je peux aider pour accompagne­r des familles dans des réflexions, ça me fait plaisir de partager mes anecdotes. Peut-être qu’elles pourront les aider à mieux comprendre certaines choses que j’ai vécues et à se retrouver à travers ces situations. »

TOURNER LA PAGE

Comment se relève-t-on d’une épreuve aussi terrible que la mort d’un conjoint ? « On se relève difficilem­ent », convient-t-il. « C’est douloureux de savoir qu’un être cher est parti. Mais c’est encore plus douloureux pour ceux qui restent parce qu’ils vivent dans l’incompréhe­nsion de ce qui s’est passé. Il faut accepter l’inacceptab­le. »

Pour lui, le deuil comptait plusieurs facettes. « Quand tu vois quelqu’un partir alors que ça faisait deux fois que tu voulais avoir un enfant, et c’est deux fois une paternité gâchée, volée, tu as du mal à l’accepter. Moi, j’étais avec quelqu’un de formidable, qui voulait juste vivre. Je voulais avoir un enfant, fonder une famille. On n’a pas eu droit à ce bonheur. Tu as envie de crier contre la vie, contre cette injustice. »

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