Le Journal de Quebec

Pauvres parents coupables

- LOUISE DESCHÂTELE­TS louise.deschatele­ts@quebecorme­dia.com

Celui qui signait « Un homme », ce matin, m’a rappelé de bien mauvais souvenirs. J’ai perdu tellement de temps en passant par le même chemin que lui avant de m’en sortir. Le chemin du « Je vais en vouloir jusqu’à la fin de mes jours à mes parents pour ce qu’ils m’ont fait vivre ». J’ai donc pensé lui relayer une recette bien plus facile à appliquer pour passer au travers de son trouble.

J’ai vécu deux divorces très difficiles, perdu le contact avec mes enfants pendant plusieurs années et traversé deux faillites, avant d’accepter de m’arrêter pour faire le point et vérifier si quelque chose ne m’avait pas échappé en cours de route pour que tout aille aussi mal. Comme lui, je me suis buté à l’inutilité de l’éducation que mes parents m’avaient donnée. Ils étaient de parfaits incompéten­ts, issus eux-mêmes de deux autres parfaits incompéten­ts qui avaient engendré l’incompéten­t que j’étais. Ils n’étaient bien que dans le conflit, et je perpétuais la lignée sans même m’en rendre compte, en mettant la faute sur tout le monde, sauf sur moi.

Je ne vous cacherai pas que ce fut très dur de faire marche arrière pour déprogramm­er mon cerveau et pour me reconstrui­re ensuite. J’ai mis cinq ans à accomplir ça. Cinq ans de lutte contre moimême pour revenir à moi-même, mais en meilleure santé mentale. Il me restait ensuite une étape à franchir pour être parfaiteme­nt libre, et je ne le savais pas alors. Je m’évertuais à continuer à détester mes parents qui m’avaient légué ce lourd cadeau, sans me rendre compte que ce dernier poids que je traînais m’empêchait d’accéder enfin à la paix et au bonheur.

J’ai amorcé une énième thérapie, très courte celle-là, pour extirper de mon coeur cette haine que j’entretenai­s envers mes géniteurs. Eux qui, dans le fond, m’avaient transmis ce qu’ils avaient euxmêmes appris, sans plus. Comme dans la vie on ne choisit pas ses parents, que les miens étaient inadéquats, c’était donc à moi de m’affranchir de leur legs pour tenter d’acquérir de nouvelles habitudes de vie. Et ça a marché !

J’ai un travail que j’aime et qui me permet de bien gagner ma vie. Une blonde en santé physique et mentale qui a les mêmes valeurs que moi. J’ai connu mes petits-enfants parce que j’ai renoué avec mes enfants qui me connaissen­t désormais sous mon meilleur jour.

C’est pourquoi j’inciterais ce monsieur à se libérer au plus vite de sa haine pour ses parents. Eux n’en ont aucune connaissan­ce, donc ils n’en souffrent pas, alors que lui, qui traîne ce poids, est entravé sans le savoir dans sa démarche de guérison. S’il savait comme on se sent léger quand on n’en veut à personne !

Un autre homme

Un super merci à vous pour ce partage inspirant. Ce qui était rare autrefois se produit de plus en plus souvent. Et ça me ravit que des hommes qui souffrent ou qui ont souffert trouvent le courage d’en parler. Je sais que je fais souvent réagir certains lecteurs quand j’aborde le thème du pardon dans ce Courrier. Plusieurs croient encore que pardonner correspond à cette parabole de l’évangile où le Christ disait qu’il fallait tendre l’autre joue à quelqu’un qui nous a frappé en premier.

Ce n’est pas du tout ça et votre témoignage l’illustre bien. C’est à soimême qu’on enlève un poids quand on choisit de pardonner. Non pas pour oublier l’affront. Mais pour cesser de mettre de l’énergie à détester quelqu’un qui n’en souffre même pas.

Il existe de nombreux livres sur le sujet, tous aussi bons les uns que les autres. Certains sont d’ailleurs aussi valables qu’une thérapie pour parvenir à extirper de soi la haine de l’autre, celui qui nous a blessé. Qu’on procède par lectures, ateliers ou encore par une thérapie de groupe ou une thérapie individuel­le, seul un travail sur soi nous permet d’y parvenir.

 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from Canada