Le Journal de Quebec

Détails inédits sur le meurtre d’un mafioso

Joe Di Maulo se savait « en danger » avant d’être assassiné il y a cinq ans, affirme sa fille Milena

- Eric Thibault l Ethibaultj­dm

Deux jours avant d’être assassiné, l’influent mafioso Joe Di Maulo a eu « une discussion animée » au sujet du caïd Raynald Desjardins avec le parrain Vito Rizzuto, qui semblait mécontent.

C’est ce que Milena Di Maulo révèle au sujet de son père, mort « seul dans une allée de garage avec des balles dans la tête », et de son « oncle Raynald », présenteme­nt emprisonné pour complot de meurtre, dans un livre à paraître cette semaine et dont Le Journal a obtenu copie.

En entrevue, elle dit espérer que cela puisse relancer l’enquête policière, qui serait « au point mort », sur ce meurtre impuni qui l’a remplie de « peine, de colère et de honte ».

« C’EST MON BEAU-FRÈRE ! »

Elle soutient que le 1er novembre 2012, son père et Vito Rizzuto – alors fraîchemen­t revenu au Canada après six ans de prison pour son rôle dans trois meurtres à New York – se sont rencontrés. Rien n’a filtré de leur tête-à-tête, mis à part que Joe Di Maulo trouvait le parrain amaigri.

Le lendemain soir, les deux hommes, qui « s’entendaien­t bien » selon elle, ont cependant eu une conversati­on téléphoniq­ue « animée » durant laquelle Di Maulo a déclaré à Rizzuto : « Qu’est-ce que tu veux que je fasse ? C’est mon beau-frère ! »

Joe Di Maulo faisait alors allusion au frère cadet de sa femme Huguette, Raynald Desjardins, dont les « relations d’affaires avec Vito Rizzuto ont grandement contribué à sa réussite », soutient Milena Di Maulo.

Di Maulo, abattu deux jours plus tard à 70 ans devant son domicile de Blainville, et Rizzuto, décédé d’une pneumonie alors qu’il combattait un cancer du poumon en décembre 2013, ont emporté le contenu de cette conversati­on dans leur tombe.

Mais tous deux semblaient avoir une dent contre Desjardins.

« FOUTRE LA MERDE »

Le 16 septembre 2011, Desjardins a survécu à une fusillade qu’il soupçonnai­t d’avoir été commandée par l’aspirant parrain Salvatore Montagna.

Selon la police, les deux s’étaient pourtant alliés afin de prendre le contrôle d’une mafia montréalai­se décimée par une guerre de pouvoir meurtrière, dont le fils aîné et le père de Vito Rizzuto, Nick fils et Nicolo, furent notamment victimes en 2009 et en 2010.

Le Journal a déjà rapporté que la Sûreté du Québec avait alors demandé à Joe Di Maulo, qui servait de « conseiller » à Desjardins, « d’utiliser son influence pour calmer le jeu » et éviter des représaill­es.

Si le septuagéna­ire a obtempéré, ce fut un échec. Desjardins planifiait déjà sa vengeance et, le 24 novembre suivant, Montagna est mort criblé de balles à Charlemagn­e.

« Ma mère m’a dit que, à l’annonce de la mort de Salvatore Montagna, mon père faisait les cent pas dans la maison, fulminant de rage. “Je savais qu’il allait foutre la merde en faisant cela !”, aurait-il dit en parlant de Raynald Desjardins », relate Milena.

PAS DE GARDE DU CORPS

Au moment de sa mort, Joe Di Maulo « se savait en danger », selon sa fille. Mais contrairem­ent à Raynald Desjardins, « il continuait de se déplacer seul, sans garde du corps ».

La criminolog­ue Maria Mourani, qui a rédigé ce livre, avance pour sa part que la thèse voulant que Joe Di Maulo ait été « une victime collatéral­e des actions de son beau-frère » semble avoir « davantage de crédit » que celle indiquant qu’il ait manqué de loyauté envers le clan Rizzuto.

« On ne meurt pas pour rien dans la mafia [mais] je ne crois pas qu’on l’ait assassiné pour des questions d’allégeance à un clan ou à un autre », estime Milena Di Maulo.

Chargée de l’enquête, la Sûreté du Québec n’a pas commenté ces informatio­ns.

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PHOTO D’ARCHIVES Joe Di Maulo fut longtemps considéré comme l’un des acteurs les plus importants de la mafia montréalai­se.
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