Le Journal de Quebec

Hochelaga : tout ça pour ça ?

- SOPHIE DUROCHER sophie.durocher @quebecorme­dia.com

Alors, en fin de semaine, êtes-vous allés voir Hochelaga, terre des âmes, ce long et pénible cours d’histoire 101 ?

Si, comme moi, vous avez trouvé ce film de François Girard très beau, mais terribleme­nt moralisate­ur, peutêtre que vous vous êtes posé la question : pourquoi avoir dépensé une fortune (15 millions de dollars) pour cette Minute du patrimoine ?

HOCHELAGA, SANS ÂME

Combien de cinéastes québécois auraient vendu leur père, leur mère, et leur âme pour avoir la moitié du quart du budget de Hochelaga, terre des âmes ? Même Bon Cop Bad Cop 2, qui a reçu un des budgets les plus élevés du cinéma québécois, n’a grappillé que 10,2 millions $. De père en flic 2 ? On parle de sept millions.

Comment peut-on justifier que Hochelaga ait bénéficié d’un tel budget, faramineux, si ce n’est pour des raisons politiques ?

On va se le dire : si Hochelaga ne parlait pas des autochtone­s, s’il n’était pas éminemment dans « l’air du temps », jamais il n’aurait bénéficié de telles largesses.

Si on n’avait pas fêté le 375e de Montréal, jamais Hochelaga n’aurait reçu autant de bidous. Alors pourquoi le film sort-il… en 2018, l’année suivant ce grand anniversai­re ?

Le pire, c’est que Hochelaga, malgré ses millions, n’est pas le chef-d’oeuvre escompté.

Imaginez : au prochain gala des prix Écrans canadiens (les Oscars du Canada) il n’est même pas en nomination dans la catégorie du meilleur film, ni François Girard dans celle de la meilleure réalisatio­n ! Il n’est en nomination que dans les catégories techniques.

On a dépensé des millions pour un très beau film… glacial.

Le rappeur Samian est très sympathiqu­e, mais il est aussi doué pour le métier de comédien que je le suis pour celui de danseuse pour les Grands Ballets. Et les scènes « spirituell­es » mettant en scène un chaman ésotérique sont carrément risibles.

Vous me direz que Hochelaga était un film nécessaire, au nom de la grande réconcilia­tion entre les Blancs et les peuples autochtone­s. Parfait. Alors pourquoi cette réconcilia­tion doit-elle passer par un film réalisé par un Blanc sur l’héritage autochtone ? N’est-ce pas terribleme­nt condescend­ant ?

Pensez-vous que les Autochtone­s qui occupaient ce territoire avant l’arrivée des Blancs ont besoin d’un film bourré d’effets spéciaux pour se faire raconter leur histoire ? Et si on avait pris ces millions pour qu’eux-mêmes les dépensent, en fonction de leurs propres besoins ? Si on veut vraiment parler de réconcilia­tion, ne devrions-nous pas plutôt écouter ce que les Autochtone­s ont à dire plutôt que de parler en leur nom ?

Imaginez si, pour célébrer l’année de la femme, on avait donné 15 millions à un homme pour qu’il souligne à quel point les femmes ont trimé dur pour construire ce pays.

LE GRAND ÉCRAN MORALISATE­UR

Le cinéma est censé être un art, au service de la création, pas au service d’une idéologie. Un film n’est pas un sermon, pas un cours universita­ire.

Malheureus­ement, Hochelaga ressemble à un long (et très cher) message d’intérêt public.

J’ai bien hâte de voir les recettes de Hochelaga, terre des âmes au box-office. Je me demande si le public québécois a envie de se faire faire la morale… avec son propre argent.

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