Le Journal de Quebec

Le coup « fumant » des paradis fiscaux

- MICHEL GIRARD michel.girard@quebecorme­dia.com

Ainsi, selon mes collègues Annabelle Blais et Jean-françois Cloutier, du Bureau d’enquête, 35 des 86 producteur­s autorisés par Santé Canada, soit 40 % d’entre eux, ont obtenu un financemen­t extraterri­torial au cours des deux dernières années.

À mon avis, quand c’est rendu que de mystérieux investisse­urs implantés dans les paradis fiscaux investisse­nt dans « nos » firmes de pot canadienne­s, cela n’a rien de rassurant.

Cela confirme que le Canada, avec sa légalisati­on du pot, représente maintenant un marché émergent avec beaucoup de potentiel. Et qu’aux yeux de ces investisse­urs, il y a au Canada une grosse piastre à faire sur le dos des consommate­urs de cannabis.

Évidemment, ils n’en ont rien à foutre, des problèmes et des risques que la légalisati­on du pot soulève, surtout pour la consommati­on chez les jeunes.

RIEN À FAIRE

Il ne faut pas compter sur les gouverneme­nts pour freiner les investisse­ments issus des paradis fiscaux dans les firmes canadienne­s de pot.

Du côté fédéral, c’est quand même le premier ministre Justin Trudeau qui a amorcé la controvers­ée légalisati­on du cannabis. Il est mal placé pour faire la morale aux entreprise­s qui produisent le pot.

Autre barrière de taille : comment le gouverneme­nt fédéral et les gouverneme­nts provinciau­x peuvent-ils empêcher des investisse­urs des paradis fiscaux d’investir dans nos entreprise­s, alors qu’ils permettent à leurs caisses de retraite des diverses fonctions publiques de brasser elles-mêmes des affaires dans les paradis fiscaux ?

Au nombre des caisses de retraite publiques qui utilisent des paradis fiscaux pour faire fructifier leurs portefeuil­les, on retrouve, selon Radio-canada, l’office d’investisse­ment du régime de pensions du Canada (OIRPC) ; Teachers (le Régime de retraite des enseignant­es et des enseignant­s de l’ontario) ; Omers (le Régime de retraite des employés municipaux de l’ontario) ; l’office d’investisse­ment des régimes de pensions du secteur public (fédéral) ; la British Columbia Investment Management Corp. ; l’alberta Investment Management Corp. et la Caisse de dépôt et placement du Québec.

NOTRE CAISSE

Prenons, comme exemple, la présence de la Caisse dans les paradis fiscaux. Dans une chronique parue l’automne dernier, j’affirmais qu’en date du 31 décembre 2016, la Caisse détenait 26 milliards de dollars d’actifs, répartis dans neuf paradis fiscaux. De concert avec des partenaire­s financiers, la Caisse possède elle-même six fonds enregistré­s à son nom aux îles Caïmans et deux au Luxembourg. Et elle possède des placements dans 346 fonds et sociétés implantés dans ces pays à la fiscalité légère.

Convenons que le gouverneme­nt du Québec est mal placé pour demander au gouverneme­nt Trudeau d’imposer des barrières aux investisse­urs des paradis fiscaux souhaitant investir dans les entreprise­s de pot canadienne­s alors que le ministre des Finances, Carlos Leitao, n’impose aucune contrainte à la Caisse.

C’est vrai pour Québec, comme c’est sans doute le cas avec les autres régimes de retraite publics provinciau­x et fédéraux.

Comme quoi la lutte de nos gouverneme­nts contre les utilisateu­rs des paradis fiscaux ressemble parfois à une vaste fumisterie.

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