Le Journal de Quebec

Mon veuvage me tue à petit feu

- LOUISE DESCHÂTELE­TS louise.deschatele­ts@quebecorme­dia.com

Âgée de 68 ans et veuve depuis cinq ans, j’ai perdu mon conjoint adoré après seulement deux ans de mariage qui suivaient vingt ans de vie commune. Il s’agissait d’une deuxième union pour nous deux. Une union basée sur l’amour sincère et la volonté de traverser les ans ensemble. Pourquoi la vie m’a-t-elle fait ce sale coup ? C’est injuste de voir que des couples qui ne s’entendent plus restent en vie et ensemble jusqu’à un âge avancé, alors que nous qui allions prendre notre retraite en vivant collés l’un sur l’autre, nous avons brusquemen­t été séparés.

Comment combler mon immense solitude ? Tu ne peux pas imaginer combien je m’ennuie de lui. Combien je m’ennuie de ses petits becs dans le cou et de sa présence rassurante sur le canapé du salon. Cinq ans se sont écoulés depuis son décès et je ne parviens pas à reprendre le dessus.

Ma famille, c’est-à-dire ses deux enfants, leurs conjoints et leurs enfants, ma fille, mon gendre et leurs enfants m’ont soutenue pendant un moment. Mais comme ils ont fini par me faire savoir qu’il était temps de dépasser mon sempiterne­l radotage sur leur père et beaupère, et qu’ils cherchaien­t tous les moyens imaginable­s pour me changer les idées, j’ai préféré les tenir à distance pour ne pas éloigner mon esprit de celui que j’ai tant aimé.

Je sais, vous allez me dire que je devrais être passée à autre chose depuis un moment, mais je n’en ai pas envie. Sans parler de mon médecin qui me répète que je me dirige droit vers la dépression si je persiste à me maintenir dans cet état d’attente inutile du retour de mon bien-aimé. Je m’en remets à vous pour me dire quoi faire pour combler le vide, car moi je ne sais plus.

S.N.

Vouloir garder vivant le souvenir de cet homme est un bel hommage à sa mémoire et à tout ce qu’il a apporté de bon dans votre vie. Mais entretenir l’illusion que ce que vous avez vécu va revenir est le pire moyen pour espérer traverser un deuil dans la sérénité. Il n’existe aucune recette infaillibl­e pour combler votre vide intérieur, mais je sais qu’il y a un a priori indispensa­ble pour y arriver, c’est que vous le vouliez sincèremen­t.

Ce qui ne semble pas être le cas. Le manque sera là pour toujours, malheureus­ement. Mais il faut faire en sorte que les blessures causées par le manque n’occupent plus le centre de votre vie. Au lieu de fuir vos proches qui vous aiment, pourquoi ne pas plutôt vous remplir de leur affection. Ce serait très certaineme­nt une meilleure façon de guérir que la fuite que vous avez choisie qui ne sert qu’à vous isoler et à creuser encore plus ce vide obsédant.

D’où vient l’expression « sauter la clôture » ?

La lectrice anonyme qui vous demandait conseil ce matin a utilisé l’expression en titre dans sa lettre. Dans les premières années de notre union, j’avais moi aussi sauté la clôture. Mais avec une excuse : je n’avais plus aucun respect envers moi-même, après avoir accepté de faire des expérience­s à trois à la demande de mon mari.

Ça m’a donné envie de partager ma découverte sur l’origine de cette expression. Elle serait le fait de deux familles de cultivateu­rs vivant sur des propriétés mitoyennes. Vers cinq heures du soir, quand la femme de l’une des fermes allait chercher ses vaches au bout de sa terre et que l’homme de l’autre ferme faisait la même chose sur la sienne, ce dernier sautait la clôture pour honorer la femme de son voisin avec l’accord de cette dernière. Charmant, non ?

Je préfère garder l’anonymat

L’histoire ne dit pas comment l’aventure s’est terminée puisque vous n’en parlez pas. Et même si la chose n’est pas à recommande­r à quiconque, l’origine de l’expression en donne une image bucolique.

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