QUI VA BEAUCOUP TROP LOIN
UN QUESTIONNAIRE D’EMBAUCHE
Date de vos dernières menstruations. Souffrez-vous du Sida ? Avez-vous été soigné pour un cancer ? Consulté un psychologue ? L’université Laval a posé des questions intrusives comme celleslà pendant huit ans à des candidats à l’embauche pour des emplois de bureau, contrevenant à la Charte des droits et libertés.
Selon le témoignage d’une candidate recueilli par Le Journal, le questionnaire médical « très intrusif » de quatre pages lui a été remis avant son entrevue pour un poste de technicienne en documentation à l’université Laval, au mois de novembre 2017.
« J’ai senti qu’on entrait dans mon intimité. Je me suis sentie irritée et ça ne m’a pas mise dans des dispositions très positives pour l’entrevue », raconte la femme, qui a requis l’anonymat.
Parmi la quarantaine de questions du formulaire dont Le Journal a obtenu copie, on retrouve, entre autres, une section « femmes seulement », dans laquelle on demande : « Avez-vous eu des problèmes au niveau des seins et/ou d’ordre gynécologique? », en plus de la date du dernier examen gynécologique, le nom du médecin pratiquant, ainsi que le nombre de grossesses, d’avortements et si la candidate est présentement enceinte.
FORMULAIRE AU CONTENU ILLÉGAL
« C’est à peu près le meilleur exemple d’un formulaire au contenu illégal », affirme Memaxime Guérin, avocat spécialisé en droit du travail, associé chez Saraïlis Avocats.
Selon la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (CDPDJ), le questionnaire contrevient aux articles 4, 5, 10 et 18.1 de la Charte des droits et libertés, soit concernant la vie privée et la discrimination par le sexe, notamment.
« Le seul fait d’avoir présenté ce questionnaire à une candidate, c’est de la discrimination », affirme Me Stéphanie Fournier, avocate pour la CDPDJ, précisant que dans de tels cas, l’employeur est tenu de justifier chacune des questions en lien avec l’emploi.
LE SYNDICAT « TOMBE DE SA CHAISE »
Le conseiller syndical qui représente les quelque 2000 employés de soutien de l’université Laval a admis être « tombé en bas de sa chaise » lorsqu’informé de cette pratique par Le Journal.
« Si un employé était arrivé avec ce questionnaire-là, on aurait une réaction très forte et ce serait contesté », a indiqué Éric-jan Zubrzycki, dénonçant fermement ce genre de questionnaire « discriminatoire ».
Des propriétaires d’agences de placement de Québec ont également affirmé d’une même voix qu’aucun questionnaire du genre n’était soumis à leurs candidats lors d’un processus d’embauche.
« Quand on parle de questionnaire médical très précis, ce n’est que pour des postes bien précis. Par exemple, on peut faire des tests de daltonisme pour un électricien qui aurait à travailler avec des fils de différentes couleurs », illustre François Lefevbre, chasseur de têtes et propriétaire de l’agence de placement Ancia.
QUESTIONNAIRE RETIRÉ
Bien au fait de l’existence de cette pratique lorsque premièrement interrogé par Le Journal à cet effet, l’université Laval a quelques heures plus tard affirmé que le questionnaire médical, imposé aux candidats pour des « emplois de bureau et quelques emplois de techniciens et de métiers » depuis 2009, avait été retiré. « Nous sommes à revoir cet élément dans le processus d’embauche », a indiqué la porte-parole de l’établissement, Andrée-anne Stewart.