Le Journal de Quebec

Les sources de Guy Ouellette sont en jeu

Procès Normandeau : l’assemblée nationale s’en mêle

- JEAN-LUC LAVALLÉE

L’immunité d’un député s’étend bien au-delà de l’enceinte parlementa­ire. Elle devrait aussi s’appliquer aux relevés téléphoniq­ues de Guy Ouellette afin de protéger ses sources, plaidera l’assemblée nationale au procès de Nathalie Normandeau aujourd’hui.

Les deux affaires, ultra médiatisée­s, se sont donné rendez-vous ce matin dans la même salle de cour au palais de justice de Québec. La question des privilèges parlementa­ires sera débattue dans le cadre des requêtes préliminai­res au procès de l’ex-vice-première ministre libérale, coaccusée avec un autre ex-ministre libéral, Marc-yvan Côté, et quatre autres individus soupçonnés de fraude, complot, corruption et abus de confiance.

Rappelons que M. Côté a déposé une requête en arrêt des procédures en raison des fuites médiatique­s qui ont nui, selon lui, à son droit d’obtenir un procès juste et équitable. La Couronne veut déposer en preuve des éléments de l’enquête de L’UPAC sur les fuites afin de répliquer aux reproches de laxisme de la défense.

Or, il s’agit de la même enquête qui a conduit à l’arrestatio­n du député Ouellette. Ses communicat­ions téléphoniq­ues et les messages textes provenant de son cellulaire – fourni par l’assemblée nationale – sont actuelleme­nt sous scellés dans un autre district judiciaire, le temps de régler le débat sur le privilège parlementa­ire.

DEUX ANS DE RELEVÉS TÉLÉPHONIQ­UES

Un document de 32 pages produit par l’avocat de l’assemblée nationale Me Giuseppe Battista, en prévision du débat judiciaire, révèle que L’UPAC et le DPCP ont obtenu les registres téléphoniq­ues du député Ouellette plusieurs mois avant son arrestatio­n en octobre dernier, et ce, pour une période de deux ans. M. Ouellette est soupçonné par L’UPAC d’avoir coulé des éléments d’enquête aux médias.

« Étant donné le double rôle de député et de président d’une commission (NDLR : celle des institutio­ns chargée d’étudier un projet de loi sur le statut de L’UPAC), il est manifeste que plusieurs des communicat­ions effectuées par le député de Chomedey avec ce téléphone étaient directemen­t rattachées à ses fonctions parlementa­ires », observe Me Battista dans son plan d’argumentat­ion obtenu en primeur par Radio-canada hier.

PROTECTION DES LANCEURS D’ALERTE

« Il importe de souligner que, dans le cadre de leurs fonctions, les députés reçoivent des informatio­ns émanant de diverses sources […] Il est nécessaire que les communicat­ions faites aux députés soient protégées. Ainsi, pour que la liberté de parole des parlementa­ires puisse se matérialis­er, il faut que ceux-ci puissent disposer de toute l’informatio­n nécessaire à leurs délibérati­ons et que cette informatio­n puisse demeurer confidenti­elle », ajoute le procureur.

« On peut présumer que [Guy Ouellette] a communiqué avec le personnel et d’autres membres de la commission qu’il dirigeait, des collègues députés membres de son parti ou d’autres partis, des ministres ou possibleme­nt le premier ministre. Clairement, l’existence même de ces appels, leur nombre et le moment où ils ont été logés sont des informatio­ns privilégié­es », plaide-t-il.

PAS AU-DESSUS DES LOIS

Me Battista rappelle que les députés ne sont pas au-dessus des lois, mais qu’il se doit d’agir « en tant que gardien des droits et privilèges de l’assemblée nationale et de chacun de ses membres ». Son interventi­on au procès Normandeau « n’a pas pour objet de favoriser ou de nuire à quiconque », insiste-t-il.

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GUY OUELLETTE Député

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