Le projet-pilote de la Sûreté du Québec boudé par les victimes de violence sexuelle
Non seulement la Sûreté du Québec n’a pas encore mis en place son comité indépendant chargé de réviser les plaintes non fondées de violence sexuelle, mais son projet-pilote est boudé jusqu’ici par les victimes, a appris Le Journal.
En décembre 2017, le ministre Martin Coiteux annonçait le lancement d’un projet-pilote d’un an, en collaboration avec la SQ, afin de réétudier les plaintes en matière d’agression sexuelle jugées non fondées. Le corps policier estime qu’environ 2000 dossiers ont fait l’objet d’enquêtes et ont été fermés sans mise en accusation, depuis 2013.
Alors que la « méthode Philadelphie » prône une révision systématique de ces cas par des civils, ce projet-pilote québécois invite plutôt la victime à formuler une demande de révision via le mav@surete.qc.ca. Or, à peine une poignée d’entre elles ont signalé leur intérêt. « On a eu peu de demandes de victimes », reconnaît Martine Asselin, porte-parole de la SQ.
Le Regroupement québécois des centres d’aide et de lutte contre les agressions à caractère sexuel (RQCALACS) dit comprendre cette « résistance ». « Il y a des années, elles se sont fait dire que leur dossier n’irait pas en cours ou qu’il ne serait même pas déposé au bureau des procureurs de la Couronne. Je ne suis pas étonnée que la plupart se disent : non, je ne me rembarquerai pas là-dedans », exprime la porte-parole, Stéphanie Tremblay.
Même son de cloche du côté de la SQ, qui tend à nouveau la main aux victimes. « C’est une aventure rouvrir ça, avance Mme Asselin. Il y en avait peut-être qui n’étaient pas prêtes ou qui avaient peur qu’il y ait trop de dossiers. Au contraire. On est là. Il y a une voie pour ces victimes-là ».
TOUJOURS PAS DE COMITÉ
Si la situation persiste, le corps policier pourrait décider de revoir à sa guise l’un ou l’autre des cas non fondés, que la victime se manifeste ou non. « On va en cibler des dossiers, pour les amener au comité. Ça se fait déjà », dit Mme Asselin.
Ces dossiers non fondés seront réexaminés par un comité indépendant, constitué de différents groupes communautaires et civils, dont le RQCALACS. Deux mois après l’annonce de sa création, le comité n’a toutefois pas encore été formé et n’a donc pas entamé son travail, ce qui devait pourtant se faire dès le début de 2018, assuraient les autorités lors de l’annonce du projet-pilote.
Force est de constater que la révision ne pourrait s’enclencher avant le printemps. « On est en train de constituer le comité, avec toutes les personnes qui ont l’expertise dont on a besoin à la table », rassure Mme Asselin. « Il n’y a pas de désaccord majeur, mais il doit y avoir encore des discussions », complète Mme Tremblay.