Fugueuse: une série réaliste
Une ex-victime d’exploitation sexuelle témoigne sur la prostitution liée aux gangs de rue
Coincée pendant plusieurs années dans l’engrenage des gangs de rue, l’ex-escorte Mélanie Carpentier croit que la série Fugueuse est très réaliste. Selon elle, cette série peut ouvrir les yeux des adolescentes, des parents, et amener la société à porter plus attention aux jeunes filles piégées par les gangs de rue.
« C’est vraiment épouvantable. Des petites Fanny, il y en a à la tonne », a-t-elle laissé tomber, lors d’un entretien.
Devenue intervenante et directrice de la Maison de Mélanie, qui vient en aide aux victimes d’exploitation sexuelle et à leurs parents, la femme se reconnaît dans le personnage de Fugueuse.
Jeune, elle a dansé dans les bars, elle a été droguée et agressée sexuellement et elle est devenue escorte. Ce qu’elle voit est très près de la réalité qu’elle a vécue.
« Je n’ai jamais vu une télésérie aussi authentique. C’est véridique. C’est un peu de mon histoire et aussi celle de toutes les filles qui ont été prises là-dedans », a-t-elle dit. Mélanie Carpentier dénonce ce phénomène depuis 2005. Elle a écrit le livre J’ai été une esclave sexuelle en 2013, qui a été réédité en 2017 sous le titre Survivante d’exploi
tation sexuelle, avec une préface de l’ex-députée Maria
Mourani.
« Les gens disaient que j’exagérais et que ça ne se passait pas ici. Et là, on réalise que ça se passe dans notre cour. On en parle, ça capte l’attention des gens et c’est merveilleux », a-t-elle fait savoir.
UNE RÉALITÉ BIEN PIRE
Dans le cinquième épisode diffusé hier soir, Fanny vit des moments difficiles à la suite du viol collectif commis à son endroit. Toujours en amour avec le rappeur Damien, elle accepte de se prostituer afin qu’il puisse avoir l’argent pour tourner son vidéoclip à Miami. Un épisode où l’on constate que Fanny a été piégée par Damien et son entourage. Mélanie Carpentier s’est reconnue dans cette jeune fille qui se présente chez son premier client et qui se retrouve, hésitante et en pleurs, dans la salle de bain.
« J’étais super naïve. J’avais une conscience et des valeurs qui étaient très importantes pour moi. Des valeurs qui, au fil des agressions commises par les gens qui m’ont exploitée, se sont transformées », a-t-elle révélé.
Contrairement à des commentaires sur les réseaux sociaux, qui déplorent notamment la nudité dans certaines scènes, Mélanie Carpentier croit que la série n’en montre pas encore assez. « La réalité, c’est pire que ça. La nudité que l’on voit au début, lorsqu’elle est avec son copain, après avoir fait l’amour, est saine et dans le respect. On voit sa déchéance, ensuite, avec sa présence dans un club de danseuses, le viol collectif et son premier client. Ils sont très manipulateurs et ils ont bien joué leurs cartes. Il est déjà trop tard à ce moment-là. Elle est rendue trop loin. Elle a été brisée, elle a honte et elle ne veut pas le dire à sa famille », a-t-elle dit.
La directrice de la Maison de Mélanie était à peine majeure lorsqu’elle s’est retrouvée plongée dans cet univers. Elle ne croit pas toutefois qu’une émission de ce genre lui aurait permis d’éviter ces années de douleur. Le contexte, précise-t-elle, était différent.
« J’étais vierge avant d’aller dans un centre jeunesse et je suis sortie danseuse. Je voulais attendre le mariage avant de faire l’amour. Je ne voulais pas me rendre là et ce séjour a changé bien des choses. Fugueuse va peutêtre sauver la vie d’un paquet de filles. C’est ce que je souhaite », a-t-elle confié. Fugueuse est diffusé les lundis à 21 h sur les ondes de TVA.
« Des petites Fanny, il y en a à la tonne. » – Mélanie Carpentier