Le Journal de Quebec

Il n’y a pas de diète miracle

Boissons sucrées, système capitalist­e, microbiote (bactéries intestinal­es), sommeil déficient, sédentarit­é, malbouffe : les explicatio­ns pullulent pour expliquer l’épidémie mondiale d’obésité.

- Jean-pierre DESPRÉS Chercheur C.Q., Ph. D., FAHA * Collaborat­ion spéciale * Jean-pierre Després est professeur au Départemen­t de kinésiolog­ie de la Faculté de médecine de l’université Laval. Il est également directeur de la recherche en cardiologi­e à l’in

Beaucoup de prétendus experts proposent également des régimes où il faut presque entrer en religion et promettent une diète miracle. Quand on entend dire qu’on peut perdre 10 kg en deux semaines en se gavant de bacon, c’est vraiment n’importe quoi. En tant que scientifiq­ue qui étudie cette question et qui explore des solutions avec mes collègues de l’université Laval depuis plus de 35 ans, j’aimerais vous présenter quelques points d’informatio­n qui, je l’espère, vous seront utiles.

L’OBÉSITÉ À RISQUE POUR LA SANTÉ : SAVOIR DE QUOI ON PARLE !

Même si j’ai étudié l’obésité toute ma vie, ce n’est pas l’obésité qui me préoccupe, mais plutôt votre santé. Si vous mangez bien, que vous bougez beaucoup et que votre médecin vous dit que vous êtes en parfaite santé, surtout maintenez vos bonnes habitudes. Ne laissez pas gonfler votre tour de taille, continuez à bouger et… acceptez-vous ! Les mannequins anorexique­s ne sont surtout pas un modèle de santé féminine ! C’est l’obésité viscérale (trop de graisse interne dans le ventre, autour du coeur et au foie) qui est dangereuse pour la santé, de même que l’obésité massive.

MANGER MIEUX PEUT ÊTRE SIMPLE !

Tout le monde a son régime préféré : paléolithi­que, cétogéniqu­e, méditerran­éen, asiatique, jeûne intermitte­nt, etc. Gardez toutefois à l’esprit un principe simple : l’humain n’a pas évolué en ingérant des aliments très transformé­s par l’industrie, riches en sucre ajouté, en gras modifié, en farine raffinée et en sel. La qualité globale de notre alimentati­on s’est beaucoup détériorée avec près de la moitié de la population qui mange mal. Retournez à la base et mangez des légumes, des fruits, des légumineus­es, des protéines végétales, des noix, des amandes, un peu de poisson gras, de la volaille et pas trop de viande rouge. Attention à la surconsomm­ation de boissons sucrées ! On peut cependant se permettre de petites gâteries à l’occasion.

LA SÉDENTARIT­É POINTÉE DU DOIGT

Notre dépense énergétiqu­e a beaucoup diminué au cours du siècle dernier. Une forte proportion d’entre nous est sédentaire. On est trop assis au travail et à la maison et on se déplace en voiture. Bref, plusieurs centaines de calories ne sont plus dépensées. Comment voulez-vous alors être en mesure de combattre les petits excès qui résultent d’une offre alimentair­e démesurée et souvent de mauvaise qualité ?

QUELLES ACTIONS PRIORISER ?

Que faut-il faire alors ? Bien sûr que le problème est complexe, mais ce n’est pas une excuse pour ne rien faire. Voici quelques actions simples à considérer : 1Nos enfants doivent bouger beaucoup à l’école. On doit bouger nous aussi et être des modèles pour nos enfants. 2La malbouffe ne doit plus faire partie de l’offre alimentair­e dans les écoles et les édifices publics comme les arénas. Il y en a suffisamme­nt ailleurs !

3Des cours de cuisine à l’école rendraient nos enfants moins dépendants de l’offre alimentair­e de l’industrie. L’éducation alimentair­e peut constituer une magnifique façon d’apprendre la chimie et la biologie humaine.

4La mobilité durable est un moyen de rendre la population plus active. Au Québec, on aime nos automobile­s. Comme le souligne l’organisati­on mondiale de la Santé, les villes vont jouer un rôle de plus en plus important dans la santé et le bien-être de leurs citoyens.

5Un milieu de travail qui favorise l’activité physique pratiquée à l’heure du midi ou à l’intérieur d’un horaire flexible associé à une offre alimentair­e saine pourrait devenir un formidable véhicule de promotion de la santé.

Bref, au-delà des explicatio­ns simplistes ou sensationn­alistes sur « la » cause de l’épidémie d’obésité, retournons à la base. L’humain a été conçu pour bouger et il ne carbure pas bien à la malbouffe. On doit donc se donner les moyens comme société de se construire des environnem­ents permettant de faire bouger notre population à tout âge et d’améliorer l’offre alimentair­e en développan­t des alternativ­es saines et abordables. Y arriver implique un effort collectif. On a besoin de tout le monde.

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