Enquête mystérieusement arrêtée
Plusieurs irrégularités avaient pourtant été alléguées dans l’octroi de contrats à l’hôpital juif de Montréal
Une enquête interne à l’hôpital général juif de Montréal a été arrêtée mystérieusement au moment où s’accumulaient les allégations sur un système de contrats truqués pour un mégaprojet d’agrandissement de 425 millions $. Et L’UPAC refuse pour de confirmer si son enquête se poursuit.
Ce projet, le pavillon K, a été achevé en 2015 et consiste en la construction d’une nouvelle urgence et plusieurs étages de nouveaux locaux.
Entre 2013 et 2017, plusieurs témoins se sont manifestés, notamment auprès de la direction de l’hôpital, pour dénoncer des irrégularités entourant cet agrandissement, a découvert notre Bureau d’enquête.
Essentiellement, les allégations indiquent que plusieurs contrats d’ingénierie et d’architecture étaient octroyés d’avance, avant même qu’un comité de sélection bidon rende son verdict.
Pourtant, l’enquête administrative qu’avait commandée la direction de l’hôpital a été brusquement arrêtée en novembre 2013 pour ne pas que d’autres irrégularités soient découvertes, selon ce qu’a affirmé l’ex-directeur des ressources humaines de l’hôpital dans un affidavit.
Cette enquête, menée par la firme Navigant, avait pourtant permis de recueillir des témoignages révélateurs.
DONS CONTRE CONTRATS?
Notre Bureau d’enquête a également découvert d’autres faits troublants au cours des derniers mois. Parmi ceux-ci :
√ Dans une déclaration faite à la cour au printemps 2017, un ancien cadre de l’hôpital, Kotiel Berdugo, a parlé d’un système dans lequel la Fondation de l’hôpital soutirait des sommes d’argent à travers des compagnies d’ingénieurs et d’architectes. Ce n’était pas la première fois que ce stratagème était évoqué. En février 2014, dans une lettre envoyée par l’entremise de ses avocats au directeur général de l’établissement, il affirme que des contrats étaient octroyés en retour de dons de 10 % à la Fondation.
√ Le grand patron du projet, Philippe Castiel, a demandé par courriel à un sous-traitant, qui a par la suite obtenu un contrat de 1 M$, s’il avait trouvé une façon de faire un don à la Fondation.
√ Deux adjointes administratives qui travaillaient à l’hôpital ont fourni à Navigant des informations sur des irrégularités dans l’octroi des contrats. Une d’elles a parlé de comités de sélection fictifs et d’entrepreneurs désignés « VIP » par des dirigeants.
L’autre secrétaire est allée jusqu’à dire qu’un contrat avait été donné sans que le comité de sélection siège. « On sait plus ou moins qui on veut avant [les comités de sélection] », a-t-elle affirmé.
Toutes ces allégations sont consignées dans des documents consultés par notre Bureau d’enquête. Deux personnes bien au courant des démarches policières et juricomptables ont aussi confirmé ces faits.
TRUCAGE ALLÉGUÉ
Même l’unité permanente anticorruption (UPAC) rapporte dans des affidavits qu’il y aurait eu trucage d’appels d’offres à l’hôpital. Ces affidavits ont servi à effectuer des perquisitions dans l’établisse- ment et dans des résidences privées, lors d’une enquête concernant de la fausse facturation.
Toutefois, aucune accusation n’a été portée à ce jour. On ignore ce qu’il est advenu des vérifications de L’UPAC, qui n’a pas voulu commenter, fidèle à son habitude.
L’hôpital général juif a refusé de répondre à nos questions spécifiques. La porte-parole Stephanie Malley s’est contentée de dire que les processus ont été suivis et que les allégations ont fait l’objet de vérifications exhaustives. « L’hôpital général juif considère ce dossier clos », a-t-elle affirmé.
La Fondation de l’hôpital a pour sa part affirmé qu’il n’y a aucun lien entre les dons et les contrats. Elle a refusé de fournir la liste des donateurs, disant ne partager leurs noms avec personne, sauf s’ils veulent une certaine visibilité.