Le Journal de Quebec

Le petit garçon a tenu parole

- RÉJEAN TREMBLAY

PYEONGCHAN­G | Le petit garçon n’avait que neuf ans. Ce n’est même pas une histoire dont on tire un bon film américain. Genre, enfance tortueuse, parents méchants, blessures et une sauveuse à la fin. Les deux marchent dans Pyeongchan­g main dans la main. Générique et musique bonbon.

Le petit garçon n’avait que neuf ans et était très heureux. Son grand frère Maxime était gentil avec lui et ses parents l’adoraient.

Le petit garçon avait des idoles. Ce n’étaient pas Patrick Roy ni Guy Carbonneau. C’était bien plus Jean-luc Brassard et les autres bosseurs qui brillaient sur la scène internatio­nale.

Le petit garçon a alors décidé d’écrire ce que serait sa vie : « Je vais gagné », a-t-il tracé sur un carton qu’il a collé sur le mur : « Quand on a neuf ans, gagner avec un “r”, ça sonne drôle quand on essaie de prononcer le “r” », racontait-il hier après avoir raflé une médaille d’or étincelant­e la veille.

AU RALENTI ET PENSER DANS LES AIRS

Mikaël Kingsbury est fascinant. Il est intelligen­t, ça se sent au moindre regard quand il répond aux questions. Il n’essaie pas d’en donner plus que le client en demande. Il sait qu’il a été choyé et que ça continue. Et que ça risque de continuer jusqu’aux Jeux de Pékin, dans quatre ans.

Il faut voir le visage de ses parents quand ils le regardent discrèteme­nt donner une série d’entrevues à la télé. Robert Kingsbury et Julie Thibaudeau ont fait les bonnes choses. Ils ont expliqué aux deux autres enfants de la famille qu’il faudrait consacrer plus de temps et d’attention à la carrière de leur frère. Maxime, le grand, devenu chiroprati­cien comme son père, et sa soeur tripent fort sur leur Mikaël d’amour.

Mikaël a beau être jeune, il avait les traits tirés. Une heure de sommeil après avoir gagné une médaille d’or, ça poque son homme : « Mais la veille, j’avais dormi 11 heures. C’est le matin que je me suis senti hypernerve­ux. Je pensais que mon coeur sortirait de ma poitrine. Puis, je me suis calmé. Mon rendez-vous, c’était pour le soir. On dira ce qu’on voudra, notre sport, c’est une ultime descente aux Jeux olympiques. Faut que tout s’aligne pour

cette minute-là », expliquait-il.

VOLER VERS L’OR

Mais comment ça se passe la perfection? Est-ce que ça va aussi vite que ce qu’on voit à la télé et encore bien plus en personne. Cette pente abrupte, comment son cerveau la perçoit-elle?

– Ça va moins vite que pour le spectateur. Quand tout est parfait, que ton rythme est bon, que t’es dans tes bosses avec un rythme qui imite celui d’un coeur, on dirait que c’est au ralenti. Mais si tu perds le rythme, ça se met à aller vite pas pour rire. Rendu au deuxième saut, je savais que j’avais été parfait dans la descente. J’avais déjà décidé d’exécuter un saut que je contrôlais parfaiteme­nt et que les juges notaient toujours très fort. – Et là, il se passe quoi ? – Là, c’est le moment magique. Dans la descente, t’es tellement concentré que tu ne peux pas penser à rien d’autre. Mais dans les airs, quand t’es décollé, ça dure un peu moins de deux secondes avant de retomber sur les skis. C’est là que j’ai savouré ce qui se passait. J’étais dans les airs, il y avait le ciel, la neige, je savais que mon corps contrôlera­it la figure, pendant cette seconde, je me suis senti envahi. J’allais gagner, il ne me restait plus qu’à atterrir et ça, je savais comment faire », de raconter Mikaël les yeux allumés…

TU AS GAGNÉ

Au Québec, le docteur Maxime Kingsbury a vu que son petit frère gagnait l’or. Il s’est rappelé le carton avec la devise dans la chambre du gamin de neuf ans.

Il a filé jusqu’à la maison, est entré dans la chambre. Et avec une belle fébrilité toute fraternell­e, il a écrit en dessous… « Tu as gagné. No 1 ! » C’est la photo dont Mikaël était le plus fier hier à Pyeongchan­g.

SES IDOLES ÉTAIENT JEAN-LUC BRASSARD ET LES AUTRES BOSSEURS

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PHOTO AFP Mikaël Kingsbury savait depuis l’âge de neuf ans ce qu’il voulait et c’était de gagner aux Jeux olympiques. Et son grand frère médecin a confirmé le tout, hier.
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