Le Journal de Quebec

Femmes en Formule 1 : il en faut plus, pas moins

La décision des patrons de la Formule 1 d’éliminer les « grid girls », ces jeunes femmes qui portaient un écriteau au bout d’une perche pour marquer la place du pilote et de sa voiture sur la fausse grille, a fait beaucoup de bruit. C’est à se demander po

- MARC LACHAPELLE marc.lachapelle@quebecorme­dia.com

J’ai dû faire un exercice de mémoire pour me rappeler que la télé nous montrait ces « grid girls » perdues au milieu des voitures, des mécanos et des pilotes. Sans compter les célébrités qui déambulent pour se faire voir par quelques centaines de millions de spectateur­s durant la demi-heure qui précède le tour de chauffe.

Juste après, les pilotes viennent placer leur bolide au bord de la surchauffe, prêts à bondir, juste au bon endroit sur la grille. À la seconde et au centimètre près. Et plus personne ne se tient autour, en toute logique.

DES YANKEES ÉTONNANTS

Cette décision de mettre fin à la tradition des « grid girls », toujours jolies et souvent court-vêtues, a été prise par les gens du Formula One Group, une division de Liberty Media, le groupe américain qui s’est offert la Formule 1 l’an dernier pour la modique somme de 8 milliards de dollars US.

Ont-ils fait preuve de puritanism­e ou d’un excès de rectitude politique en affirmant que cette pratique n’était pas conforme avec les valeurs de leur entreprise ou de l’époque actuelle ? En pleine tourmente #METOO, on pourrait facilement le croire. Est-ce le cas pour autant ?

Tout américains qu’ils soient, les gens de Liberty Media ont fait souffler un vent de fraîcheur sur la F1 depuis l’an dernier. De manière plutôt subtile et intelligen­te, ce qui n’est pas toujours le cas avec nos voisins du Sud, il faut l’admettre. Surtout en ce moment.

Rappelez-vous la remise à Lewis Hamilton d’un des casques d’ayrton Senna, au virage qui porte le nom du Brésilien au circuit Gilles-villeneuve, après que le jeune champion britanniqu­e a égalé le record de position de tête de son idole et modèle. Une cérémonie toute simple et franchemen­t émouvante.

Je pense aussi à Fernando Alonso, autre grand champion, qui a grimpé parmi la foule pour saluer ses admirateur­s, tout sourire, à quelques mètres de là. Sans le moindre garde du corps ou officiel. Tout ça au même Grand

Formula One Group met fin aux « grid girls » en Formule 1.

Prix. Et les exemples de cette nouvelle approche, plus moderne, plus humaine et franchemen­t plus brillante, se sont multipliés par la suite.

L’avenir montrera peut-être que Formula One Group aura eu raison de mettre fin à la tradition des « grid girls », mais je suis perplexe, pour l’instant. Si elles avaient la moindre utilité, par exemple, qui se présentera alors sur la fausse grille pour marquer l’emplacemen­t et identifier le pilote ?

UNE MEILLEURE IDÉE

Outré par la décision du FOG, le triple champion Niki Lauda a suggéré que ce soient des filles et des garçons, à parts égales, sans préciser la tenue qu’ils allaient porter. L’idée n’est pas bête, mais les organisate­urs du Grand Prix de Trois-rivières ont fait encore mieux. Ils vont confier ce rôle d’identifica­tion des pilotes à de jeunes pilotes de karting, garçons et filles, question de les reconnaîtr­e et de leur faire vivre ce grand classique du sport motorisé au coeur de l’action.

Cette idée est celle d’anne Roy, qui connaît fort bien les grandes séries de sport automobile pour y oeuvrer depuis belle lurette comme relationni­ste et publicitai­re. Elle prouve encore que les femmes tiennent une place importante en sport motorisé, même si c’est très souvent, sinon trop souvent, de façon parfaiteme­nt discrète.

Il y a des exceptions, bien sûr. Pensez à Danica Patrick, qui est devenue la première femme à gagner une course en série Indycar il y a dix ans pour terminer ensuite troisième aux 500 miles d’indianapol­is l’année suivante. Elle mettra bientôt fin à sa carrière après un dernier Daytona 500 en stock-car et un dernier Indy 500. Après une carrière marquée par le talent, l’audace, le courage et la controvers­e.

Je pense aussi à Valérie Limoges qui a terminé quatrième en Coupe Micra, série monotype extrêmemen­t serrée et compétitiv­e, la saison dernière. Demandez aux trente gars, de tous âges, qui ont terminé derrière elle au championna­t si Valérie est douée, déterminée et tenace.

Mais il en faut plus, des femmes, en sport automobile. Et il faut les voir au sommet, sous les feux des projecteur­s. Y compris en Formule 1. Comme Monisha Kaltenborn, l’avocate indo-autrichien­ne qui a ni plus ni moins sauvé l’équipe Sauber et l’a dirigée jusqu’en juin dernier. Comme Claire Williams, qui dirige l’écurie qu’a fondée son père et qui offrira, espérons-le, une voiture plus compétitiv­e à notre jeune compatriot­e Lance Stroll cette année.

Ce sport captivant ne pourra que s’en porter mieux. Et nous toutes et tous avec lui. Sans blague. Garanti. Même sans « grid girls ».

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