Perceptions préoccupantes
Un sondage est une photographie du moment, mais le portrait que dresse Léger dans Le Journal, aujourd’hui, des perceptions des Anglo-québécois est assez préoccupant pour qu’on s’y attarde.
DES COMMUNAUTÉS EN MOUVEMENT
C’est au pluriel qu’il faut parler des communautés anglophones au Québec. La langue n’est pas le seul trait distinctif. Il s’agit de communautés composites de par leurs origines ethniques, raciales, culturelles, religieuses et linguistiques.
Elles se différencient également par leurs parcours migratoires, à la fois de descendance britannique, d’origine européenne, américaine, sud-asiatique, caribéenne ou africaine ; autant de variables dont il faut tenir compte pour en comprendre les enjeux.
La réalité d’un jeune Noir anglophone, originaire des Caraïbes, vivant dans la Petite-bourgogne, confronté au chômage, au racisme et à l’exclusion est bien différente de celle d’un jeune anglophone blanc de Westmount.
Le sondage Léger nous apprend que 60 % des répondants anglo-québécois envisagent de vivre dans une autre province. C’est presque une évidence pour une communauté qui a la migration interprovinciale inscrite dans son ADN.
Depuis la Confédération, les Anglo-québécois d’origine britannique sont en mouvement constant. Leurs départs se sont accentués à la faveur d’événements marquants du 19e et du 20e siècle, notamment lors de l’ouverture de l’ouest canadien, ainsi que durant la première et la Deuxième Guerre mondiale.
Qu’il s’agisse de perspectives d’emploi ou de considérations politiques, les Anglo-québécois ont toujours fait de leur héritage linguistique un atout pour leur mobilité sociale et économique au sein du Canada.
Ce n’est donc pas étonnant que plus de 130 000 anglophones aient quitté le Québec, entre 1976 et 1981, dans le pic du débat sur la souveraineté et de la Charte de langue française.
Un exode qui s’est amorcé dès le début des années 1970 avec une migration hors Québec de 94 000 entre 1971 et 1976 qui s’est poursuivie, au-delà de l’arrivée au pouvoir du Parti québécois, avec 71 000 départs entre 1981 et 1986.
Aujourd’hui, nous sommes à une époque de très grande mobilité, surtout chez les jeunes. Francophones, anglophones ou multilingues, ils ont le monde pour horizon et sont nombreux à s’installer dans les autres provinces et à l’étranger pour leurs études ou pour le travail.
Certains reviennent au bercail, par nostalgie ou pour des raisons professionnelles. Il y a aussi tous ces Anglo-québécois dont on ne parle pas parce qu’ils sont trop attachés à leur coin de pays, au Québec, pour le quitter. Vous les trouverez dans plusieurs régions, notamment à Montréal, en Estrie et à Québec où ils sont bien intégrés.
IL FAUT BÂTIR DES PONTS HUMAINS
La bonne nouvelle, c’est que 57 % des répondants au sondage disent que les relations entre les francophones et les anglophones sont actuellement harmonieuses ; 33 % sont d’avis contraire.
Le plus préoccupant, c’est que cette vision pessimiste est dominante chez les jeunes de moins de 35 ans, dans une proportion de 49 %, sans compter que 34 % des 18-34 ans estiment que ces relations seront moins bonnes dans les 10 prochaines années.
Encore plus décourageant est ce constat fait par 63 % des répondants anglophones qui disent que les francophones ne font pas d’efforts pour s’intéresser à leur réalité.
Cela nous indique que le gouvernement, dont c’est la responsabilité première, n’a pas créé les conditions favorables pour un dialogue constructif.
Je vis moi-même dans un milieu cosmopolite, avec une composante anglophone importante. Je suis en contact constant avec plusieurs leaders communautaires et participe à plusieurs de leurs événements.
Par expérience, je sais que ce genre de dialogue n’est pas facile, mais possible. Pour briser les deux solitudes, il faut construire des ponts humains.
Je pense, entre autres, à la mise sur pied d’un organisme de rapprochement de jeunes francophones et anglophones, sur le modèle de l’office franco-québécois pour la jeunesse. Une mesure concrète et réalisable.