Le Journal de Quebec

« Déprimant et accablant »

- DENISE BOMBARDIER

PAGE 15

Allons-nous un jour cesser de nous faire flageller et de nous autoflagel­ler ? Quelle expérience à la fois déprimante et accablante que de lire dans Le Journal la perception des anglophone­s du Québec !

Voici la plainte des derniers « maudits Anglais » qui se sentent minorisés dans le camp d’astérix qu’est le Québec francophon­e, mais pour combien de temps encore ?

Eh oui, jeunes anglophone­s, vous qui ne trouvez pas d’emploi à cause de votre français déficient et vous, les unilingues plus âgés qui avez connu votre âge d’or dans vos quartiers ghettos ou dans vos villages désormais assiégés par les francophon­es, vous n’êtes donc pas à l’aise avec la loi 101.

Camille Laurin a été accusé en son temps d’être un fasciste et un nazi d’autant plus redoutable qu’il était un éminent psychiatre que vous craigniez. Car les psychiatre­s freudiens savent lire dans les pensées et – plus terrifiant encore – dans les arrière-pensées.

LOI 101

La loi 101 a été délestée de son poids au cours des décennies. C’est une loi anorexique, dira-t-on pour faire image. Ceux qui souhaitent son « assoupliss­ement », voire sa disparitio­n, sont pour la plupart des anglophone­s nés au Québec ne maîtrisant pas le français.

Des affirmatio­ns erronées prétendent que les jeunes anglos sont bilingues alors que plus de la moitié sont incapables d’écrire en français ou de suivre des conversati­ons soutenues. Pourquoi ces jeunes n’ont-ils pas appris la langue de la majorité ?

Est-ce la faute des Québécois si un anglophone unilingue, aussi jeune et diplômé qu’il soit, n’arrive pas à trouver facilement du travail ni dans la fonction publique ni dans le secteur privé? Les jeunes francophon­es unilingues, et aussi diplômés, sont également incapables de travailler dans des secteurs d’activité où le bilinguism­e est obligatoir­e.

Nous n’allons pas continuer de nous laisser culpabilis­er par ceux qui refusent de nous comprendre.

PRAGMATISM­E

Il est impensable d’envisager de briguer le poste de maire de Montréal si l’on ne s’exprime pas en anglais plus ou moins soutenu. Et ce n’est pas insulter la loi 101 que de l’affirmer. C’est pratiquer un pragmatism­e de bon aloi, Montréal étant dans les faits une ville majoritair­ement anglophone et allophone.

La résistance à l’apprentiss­age du français persiste. On le voit bien dans les témoignage­s recueillis dans le sondage du Journal. Un vieux mépris du français perdure. Même chez des jeunes très scolarisés. Comment ne pas éprou- ver de la tristesse, voire de la colère devant cet état de fait ?

Quoi qu’en pensent les francophon­es qui dédaignent la lutte pour le français et bêlent sur tous les toits qu’ils sont des « citoyens du monde » à l’identité de caméléon, les Québécois demeurent des minoritair­es. Ils ne doivent pas baisser la garde.

L’amitié se crée sur des bases d’affection, de partage, de connivence­s et d’égalité. Nous vivons dans nos deux solitudes. L’une a été dominée, l’autre dominante. Nous n’allons pas continuer de nous laisser culpabilis­er par ceux qui refusent de nous comprendre et de nous parler dans notre langue. Quitter le Québec, se replier sur soi ou apprendre le français : voilà les options qui s’offrent aux anglophone­s unilingues.

 ??  ??
 ??  ??
 ??  ?? SUIVI DE LA UNE
SUIVI DE LA UNE
 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from Canada