Le Journal de Quebec

Le décrochage endémique à Stanstead

- DOMINIQUE SCALI dominique.scali@quebecorme­dia.com

Aleesha Grimes a grandi près de la frontière américaine, dans une ville où près d’un élève sur trois décroche. Et elle a bien failli faire partie de cette statistiqu­e.

« Il y a des préjugés contre les anglophone­s ici, comme si nous étions tous dépendants aux drogues ou sur l’aide sociale », pointe l’étudiante de 18 ans.

Stanstead est une ville en Estrie, à 50 kilomètres de Sherbrooke. Un peu plus de la moitié de la population y est anglophone.

Les élèves y sont deux fois plus susceptibl­es de lâcher l’école que dans l’ensemble de la province, note Katie Lowry. Elle a donc créé l’organisme d’aide aux devoirs Phelps Helps il y a six ans.

Il faut comprendre que l’économie de la petite municipali­té a connu un dur coup en 1982 quand l’usine qui constituai­t le principal employeur du coin a fermé ses portes. Beaucoup de familles ont quitté la ville, le prix des loyers a chuté, attirant des personnes sur l’aide sociale, dont un bon nombre d’anglos, racontent les résidents.

À cela s’ajoute le fait que les cégépiens ont tendance à quitter Stanstead, tandis que les gens moins qualifiés restent. « Cer- tains parents ont une attitude négative par rapport à l’école et ils la transmette­nt à leurs enfants. Cela crée un cercle vicieux », explique Michael Murray, président de la Commission scolaire Eastern Townships.

Un des rôles des bénévoles de Phelps Helps est donc de servir de modèles, surtout pour ceux qui n’ont jamais vu leurs parents travailler, explique Mme Lowry.

UN SOUPER ET DE L’AIDE

Afin de convaincre les jeunes de venir profiter de son aide, Mme Lowry montait dans les autobus et leur promettait un souper alléchant. Pendant plus d’un mois, Phelps Helps n’a aidé qu’une seule élève : Aleesha Grimes.

« C’était malaisant. J’avais 13 ans et j’étais la seule élève avec une poignée de tuteurs », dit-elle en riant.

Fille d’une mère secrétaire et d’un père concierge, l’adolescent­e coulait ses cours et était victime d’intimidati­on au début du secondaire. Elle a été suspendue à plusieurs reprises.

« On m’a dit que je n’avais aucun potentiel, que je finirais dans un programme qui ne mène pas à un vrai diplôme. »

Puis, grâce à l’aide individuel­le reçue, ses notes se sont améliorées. Le français était autrefois sa bête noire. « J’ai fini [le secondaire] avec une meilleure note en français qu’en anglais. C’est dingue ! »

UN PRIX

Elle étudie maintenant en psychologi­e au cégep et donne à son tour de son temps pour aider des élèves.

Elle a même reçu un prix de l’associatio­n des Townshippe­rs pour son leadership en septembre.

Aleesha Grimes rêve de devenir ambulanciè­re. Mais malgré ses succès, elle prévoit quitter la province après ses études collégiale­s.

Elle se verrait bien travailler en Ontario, dans un secteur où il y a beaucoup de francophon­es et où son français sera vu comme un atout.

« Je veux utiliser ma langue seconde pour aider », dit-elle.

L’organisme Phelps Helps compte maintenant une soixantain­e de jeunes du secondaire dans ses programmes de tutorat. Le nombre de participan­ts qui ont décroché depuis le début de l’année ? Zéro.

 ?? PHOTO DOMINIQUE SCALI ?? Aleesha Grimes à une intersecti­on de Stanstead, la ville estrienne où elle a grandi et où elle a fait ses études secondaire­s. En mortaise, Katie Lowry, qui a eu du mal à retenir ses larmes quand Aleesha a reçu un prix pour son leadership l’automne...
PHOTO DOMINIQUE SCALI Aleesha Grimes à une intersecti­on de Stanstead, la ville estrienne où elle a grandi et où elle a fait ses études secondaire­s. En mortaise, Katie Lowry, qui a eu du mal à retenir ses larmes quand Aleesha a reçu un prix pour son leadership l’automne...
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