Les retraités de la White Birch désillusionnés
Avec des rentes diminuées parfois de moitié, certains ex-travailleurs ont dû reprendre un emploi
La diminution de 47 % de la rente des retraités de Papiers White Birch a entraîné de lourdes conséquences, tant psychologiques que financières, obligeant plusieurs d’entre eux à reprendre la route du marché du travail.
Ceux qui avaient la santé sont retournés travailler. D’autres ont dû changer leur manière de faire l’épicerie ou d’acheter des vêtements. Plusieurs ménages n’ont pas survécu à cette épreuve.
« On a eu des séparations. Près de 85 % de nos membres ont été obligés de faire des changements au niveau de leur vie sociale en coupant dans les activités comme les sorties au restaurant », explique Gilles Bédard, président du Regroupement des employés retraités de White Birch-stadacona.
Le Regroupement a fait circuler un questionnaire pour connaître l’état de la situation : perte de sommeil et augmentation du stress sont devenues le lot d’une majorité de retraités dont l’âge moyen est aujourd’hui de 75 ans. Leur cause est toujours devant les tribunaux, mais plusieurs n’en verront pas la fin. Depuis la création du Regroupement en 2011, 110 retraités sont décédés sur 750 membres au départ. La rancoeur se fait sentir. Les retraités ont vu leur régime à prestations déterminées coupé de moitié après la vente de la compagnie au fonds d’investissement Black Diamond Capital, dont le siège social est à Greenwich, dans l’état du Connecticut.
Daniel Montminy, par exemple, a été obligé de refinancer sa maison pour se donner un peu de « lousse ». Il travaille comme homme à tout faire. « Je suis obligé d’avoir des à-côtés pour y arriver. Ce n’est pas ça que j’envisageais comme retraite. Je me contente de ce que j’ai. J’envisage de travailler le plus longtemps possible », raconte l’homme de 64 ans.
POUR PAYER L’ÉPICERIE
Jacques Racine, qui a travaillé pendant 36 ans à l’usine de pâte et papier, a été prudent. Il a mis de l’argent dans des REER en prévision de ses vieux jours. Avec une rente amputée de 1200 $ net par mois, il a dû retarder son projet de partir en voyage avec sa roulotte.
« Je ne prévoyais pas retourner travailler. J’étais organisé. Mes REER devaient servir à payer mes voyages, tandis que là, ils paient l’épicerie », a confié M. Racine, qui travaille comme mécanicien pour joindre les deux bouts.
AVEC UN STIMULATEUR CARDIAQUE
À 72 ans, Gaétan Belley s’estime chanceux d’avoir la santé pour continuer à travailler, même s’il a un stimulateur cardiaque.
« Quand j’ai commencé à travailler, c’était pour me distraire un peu, car j’étais encore très actif, mais aujourd’hui, j’ai moins le choix d’arrêter si je veux garder ma qualité de vie », affirme-t-il.
Durant la période des impôts, il donne un coup de main à une entreprise locale, en plus de s’impliquer dans le Regroupement.
« Rendu à notre âge, quand tu tires après le galon, tu ne sais pas comment il en reste sur le rouleau. On aimerait ça avoir du temps pour s’ennuyer un peu », ajoute-t-il.
Son confrère, Raymond Thibault, 71 ans, fait des heures dans une pépinière l’été, après avoir goûté à sa pleine pension pendant quelques années. Cela lui permet de combler le manque à gagner et de voir du monde.
« Ça me donne de l’argent pour continuer à voyager, mais là, je suis obligé de ralentir, car j’ai fait un infarctus en décembre, mais sans séquelles. Tant et aussi longtemps que je vais pouvoir travailler, je vais le faire », termine M. Thibault, qui s’inquiète néanmoins de la précarité financière des retraités qui sont plus âgés que lui.
À partir de 2012, les retraités ont vécu trois ans avec une rente amputée de 47 %. En 2015, les pertes ont été ramenées entre 30 % et 42 %, selon les cas, à la suite de divers réajustements.