Encore plus de bulletins modifiés
Le nombre d’élèves évalués selon des exigences réduites a explosé depuis 5 ans dans une commission scolaire
En cinq ans, le nombre d’élèves en difficulté évalués selon un « bulletin modifié », qui comprend des exigences réduites ne menant pas au diplôme d’études secondaires, a explosé à la Commission scolaire des Premières-seigneuries, à Québec, passant de 1 seul à 188.
Pour les élèves à besoins particuliers, le ministère de l’éducation permet de « réduire les attentes par rapport aux exigences » des programmes et d’évaluer l’élève en conséquence, selon un bulletin modifié. Concrètement, cette mesure s’adresse souvent à des jeunes qui ont au moins deux ans de retard scolaire, qu’on évalue désormais selon des attentes personnalisées. Ils ne sont alors plus comptabilisés dans la moyenne de groupe (voir exemple ci-haut).
Par cette directive en vigueur depuis déjà plusieurs années, le ministère veut garder « une certaine motivation » et préserver « l’estime de soi » de ces élèves, explique Nicolas Maheux, directeur des services éducatifs à la Commission scolaire des Premières-seigneuries (CSPS).
HAUSSE FULGURANTE
Dans cette commission scolaire, le nombre d’élèves évalués selon un bulletin modifié est passé d’un seul élève à 188 au primaire, de 2012-2013 à 2016-2017. La proportion d’élèves en modification pédagogique reste toutefois inférieure aux autres commissions scolaires de Québec (voir encadré). L’augmentation aux Premières-seigneuries s’explique par une « meilleure application de ce qui est demandé par le ministère », affirme M. Maheux. En 2014, Québec a détaillé dans un guide de référence les balises encadrant la « modification pédagogique ».
À la Commission scolaire de la Capitale, où les bulletins modifiés sont en place depuis plus longtemps, cette mesure avait été implantée avant le guide produit par le ministère. « On avait pris les devants en révisant notre politique d’adaptation scolaire », explique la directrice adjointe aux services éducatifs, Mélanie Rhainds.
MESURE DE DERNIER RECOURS
La modification pédagogique est une mesure de dernier recours, ajoute Nicolas Maheux, puisqu’elle a un « impact important » sur le cheminement scolaire d’un élève qui, règle générale, ne pourra pas obtenir son diplôme d’études secondaires. « On doit avoir tout essayé avant d’en arriver à la modification », affirme-t-il. Or, certains intervenants se demandent justement si le bulletin modifié ne représente pas une solution facile à laquelle on a trop rapidement recours (voir autre texte). M. Maheux précise par ailleurs que la décision d’évaluer l’élève selon un bulletin spécial doit être prise en collaboration avec les parents.
Or, l’information transmise aux parents à ce sujet varie énormément selon l’école ou la commission scolaire, affirme Brigitte Dubé, cofondatrice de la Coalition de parents d’enfants à besoins particuliers (CPEBP).
« C’est là que le bât blesse, lance-t-elle. Plusieurs parents ne comprennent pas ce que ça implique. » Ce n’est qu’une fois leur enfant rendu au secondaire que ces parents comprennent que le diplôme d’études secondaires est désormais inaccessible. « Il est là, le drame », lance Mme Dubé.
Le « couperet » que représente le bulletin modifié tombe parfois « beaucoup trop tôt » dans le parcours scolaire de l’enfant, ajoute pour sa part Bianca Nugent, présidente de la CPEBP. « Ce qu’on déplore, c’est que rapidement on saute à la conclusion que l’élève n’a pas le potentiel pour réussir », dit-elle.