Le Journal de Quebec

Dehors le tramway, bonjour les bus

En 1948, la Ville optait pour ce nouveau mode de transport plus « moderne »

- Stéphanie Martin l Smartinjdq

Le tramway a circulé dans les rues de Québec de 1865 à 1948. Mais la guerre avec l’auto et l’inefficaci­té du réseau ont eu raison des wagons qui ont été remplacés par la « modernité » des bus.

Le spécialist­e de l’histoire des tramways et des autobus Jean Breton a retracé pour Le Journal les faits saillants de l’époque du tram à Québec, maintenant qu’un projet pour ramener les rails dans la ville est dans l’air.

EXPÉRIENCE AMBIVALENT­E

La capitale a eu une expérience ambivalent­e avec ce mode de transport. S’il a permis de relier des secteurs de la ville et de faciliter les déplacemen­ts, il a aussi connu son lot de critiques. « Ça n’a jamais bien marché à Québec », lance M. Breton.

D’abord, le réseau était détenu par une entreprise privée et a été développé en pièces détachées, avec l’ajout de bouts de parcours au gré des revendicat­ions des villes autour de Québec. Au départ, seule la basse-ville était desservie. La haute-ville se sentait délaissée. Elle a réclamé elle aussi le tramway et ensuite Montcalmvi­lle, Saint-sauveur, Limoilou, Belvédère, Giffard, Saint-malo et Sillery ont aussi eu leur ligne.

Le problème, c’est que sur certains segments, le tramway ne circulait qu’à sens unique. Pour revenir à son point de départ, il devait faire une longue boucle, ce qui impliquait des délais pour les passagers.

Contrairem­ent à la croyance populaire, cependant, le tramway n’a jamais eu de difficulté à gravir les côtes de Québec, ni à circuler dans les rues enneigées, assure M. Breton.

La compagnie Quebec Railway Light & Power qui gérait le tram n’a pas toujours roulé sur l’or. Lors de la crise de 1929, elle a même fait venir des voitures usagées de Toronto, Montréal et Boston. Les journaux parlaient de « tas de ferraille » pour décrire les wagons vétustes. « Les clients se plaignaien­t aux échevins, la compagnie répliquait qu’elle ne faisait pas de profit, et c’est la Ville qui encaissait le coup. »

Quand l’automobile a fait son apparition dans les rues de Québec, la cohabitati­on ne s’est pas bien déroulée. « Ça a été la guerre », résume Jean Breton. Les deux modes se partageaie­nt mal la route et les accrochage­s étaient fréquents.

Les concession­naires autos et la compagnie de tramway se faisaient même la guerre par publicités interposée­s. Les premiers vantaient la liberté et l’agrément de pouvoir aller où on veut sans s’entasser, la seconde répliquait que les usagers du tramway n’avaient pas à perdre du temps à chercher un stationnem­ent.

L’ARRÊT DE MORT

C’est Sillery qui a signé l’arrêt de mort du tramway à Québec quand, en 1938, la municipali­té a retiré les wagons de ses rues pour opter pour la modernité du bus.

« On disait : “On est modernes, à Québec. Dehors, les tramways, on a des autobus, maintenant”. »

Le dernier tramway a disparu de la circulatio­n en mai 1948. Les wagons ont été brûlés derrière un garage municipal, les dormants ont été donnés à la Société Saint-vincent-de-paul, pour chauffer ses bâtiments, raconte M. Breton. Encore aujourd’hui, quand ont refait des rues, il arrive de trouver d’anciens rails qui avaient été recouverts d’asphalte à la mort du tramway.

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PHOTO STEVENS Jean Breton photograph­ié le 15 février dernier. L’historien en a profité pour montrer quelques photos d’archives liées au transport collectif.
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