20 $ de l’heure pour louer un ami
Plus de 500 Québécois offrent leur présence sur le web
À l’heure où les gens sont de plus en plus seuls derrière leurs écrans, un site internet propose de louer un ami physique pour briser l’isolement.
Laurie (nom fictif) a 20 ans. Sur son profil, elle dit parler quatre langues, étudier la psychologie, avoir une grandeur moyenne et être « à la recherche de personnes avec qui avoir du temps de qualité ». Vous pouvez la louer pour environ 25 dollars l’heure.
Selon Rentafriend.com, quelques milliers de Canadiens s’offrent comme « ami à louer » au sein de leur compagnie.
Au Québec, un peu plus de 500 personnes offrent de devenir votre ami en échange d’un tarif horaire variant de 20 à 60 dollars l’heure. Parmi ces utilisateurs, 55 % sont des hommes et 45 % sont des femmes.
Dans le cadre de ce reportage, le journal 24 Heures, à Montréal, a contacté 26 « amis » du site. Seulement quatre d’entre eux ont accepté d’accorder une entrevue téléphonique. Une seule personne a accepté de nous rencontrer dans un café et de dévoiler son véritable prénom.
« Je comprends qu’ils aient honte de vous parler, explique le psychologue. Ces gens profitent de la vulnérabilité de personnes en manque d’affection, d’amour et d’amitié pour se faire de l’argent. Ce n’est pas en louant des amis qu’on règle nos problèmes d’isolement », explique le psychologue Pierre Faubert.
M. Faubert croit qu’on assiste à une inquiétante perversion du mot « amitié » qui a débuté avec Facebook et qui continue avec ce site.
« Ce ne sont pas des amis, mais des acteurs. Par définition, l’amitié n’est limitée ni par le temps ni par l’argent. Elle ne se loue pas. Elle se donne et se reçoit gratuitement », rappelle M. Faubert.
Selon le psychologue, les réseaux sociaux ont créé une faim de contacts humains chez les gens, et parallèlement, de plus en plus d’isolement. « Certains de ces utilisateurs devraient plutôt consulter un psy au lieu de payer pour un ami, sinon, on tombe dans la cheap psychology », affirme-t-il.
ÉCONOMIE DE PARTAGE
Philippe de Grosbois, sociologue et auteur du livre Les batailles d’internet, évalue que le site Rent a friend s’inscrit dans la notion d’économie de partage avec d’autres services comme Airbnb ou Uber.
« On passe de quelque chose d’axé sur la gratuité et le partage. Puis, on s’en va vers quelque chose qui devient une transaction commerciale. Avant, on ne payait pas pour l’amitié comme on ne payait pas pour dormir sur le sofa d’une personne avec Couchsurfing. Puis, Airbnb a intégré le marché et c’est devenu payant.
C’est la même chose avec ce site », analyse le sociologue.