Le Journal de Quebec

Plus de bénéfices sans pesticides

Les paysans italiens ont troqué les pesticides pour une assurance et ils gagnent au change

- ANNE CAROLINE DESPLANQUE­S

Les agriculteu­rs pourraient gagner plus et produire mieux en remplaçant les pesticides par une simple assurance collective, d’après une étude internatio­nale qui examine une expérience menée en Italie avec succès pendant 29 ans.

« L’observatio­n de deux grandes régions en Italie a montré que, dans l’immense majorité du territoire, il n’y a pas de ravageurs, donc pas de nécessité de traiter avec des pesticides », indique le Dr Jean-marc Bonmatin, chercheur au Centre national de la recherche scientifiq­ue, en France.

Le chercheur dirige le plus important regroupeme­nt internatio­nal de scientifiq­ues qui étudient les effets des pesticides néonicotin­oïdes, le Task Force on Systemic Pesticides.

Ces produits sont appliqués comme enrobage des semences, en particulie­r de maïs et de soya, pour prévenir les infestatio­ns de ravageurs. Il y a une semaine, Québec a annoncé de nouvelles règles pour limiter leur utilisatio­n.

L’exemple italien montre que, plus qu’une limitation, une interdicti­on est possible sans affecter les rendements et les profits des agriculteu­rs, au contraire, indique le Dr Bonmatin.

Son équipe dévoilera aujourd’hui, dans la revue scientifiq­ue Environmen­tal Science and Pollution Research, une étude menée en Italie, sur un vaste territoire de 50 000 hectares où les pesticides sont proscrits.

MÊME SANS PRODUIT

Malgré cette interdicti­on, seulement 4 % des champs sont réellement attaqués par les ravageurs. « On a été sidérés de se rendre compte que, finalement, les pesticides ne servent à rien », dit le chercheur du CNRS. Pour lui, « le monde agricole se fait avoir avec les pesticides ».

Pour les remplacer, les agriculteu­rs italiens ont créé une assurance mutuelle qui couvre les pertes de récolte en cas d’infestatio­n. Ils cotisent chacun l’équivalent de 5 $ par hectare à ce fonds commun, soit dix fois moins que ce qu’ils payaient pour les pesticides.

L’assurance sert de garantie en cas d’échec des principes de lutte intégrée contre les ravageurs, principes qui, en Italie, sont appliqués à l’échelle régionale plutôt qu’en vase clos comme chez nous. Ils impliquent la rotation des cultures, la plantation de variétés plus résistante­s et l’utilisatio­n de pièges ou de prédateurs des ravageurs, notamment.

PLUS DE PROFITS

« L’agriculteu­r, ce qui le terrorise, c’est de perdre sa récolte, mais si on lui dit qu’il a très peu de chances de la perdre et que s’il la perd, on lui rembourse, il a tout à gagner », souligne le Dr Bonmatin.

Lundi dernier, le président des Producteur­s de grains du Québec, Christian Overbeek, a critiqué la réforme du règlement sur les pesticides qui, selon lui, fera augmenter les coûts de production, et donc rendra les grains d’ici plus chers et moins compétitif­s. Il craint aussi qu’elle affecte les rendements.

Mais, en Italie, les rendements n’ont pas diminué, insiste le Dr Bonmatin. De plus, les profits des agriculteu­rs ont augmenté, car la lutte intégrée et l’assurance mutuelle leur coûtent moins cher que les produits chimiques et ils parviennen­t à vendre leur production plus cher, puisqu’elle est sans pesticides.

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PHOTOS D’ARCHIVES Les nouvelles règles concernant les pesticides annoncées par Québec touchent particuliè­rement la production de grains. Celle-ci occupe plus d’un million d’hectares de terre, pour un chiffre d’affaires annuel de 1,3 milliard de dollars. Les producteur­s...

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