Le Journal de Quebec

Des assoupliss­ements qui laissent les PME sur leur faim

La FCEI dénonce le « traitement de faveur » dont bénéficien­t les géants du web

- MAXIME HUARD

« ON LAISSE COURIR LES GROS JOUEURS ET ON ENLÈVE AUX PETITS » — Martine Hébert, vice-présidente de la FCEI

OTTAWA | Détaillés dans le budget fédéral déposé hier matin, les derniers correctifs de la controvers­ée réforme fiscale n’apaiseront pas complèteme­nt la grogne des petites et moyennes entreprise­s.

Après de premières révisions annoncées à la fin de l’année dernière, le ministre des Finances, Bill Morneau, a finalement assoupli la modificati­on proposée à la taxation des revenus de placements passifs des entreprise­s, qui comprennen­t notamment des placements boursiers ou des revenus locatifs.

Plutôt que d’augmenter, comme prévu au départ, l’imposition de tous les revenus de placements passifs excédant 50 000 $, Ottawa mettra en place un système progressif.

Toutes les entreprise­s avec 500 000 $ de revenus et moins seront admissible­s au taux d’imposition des PME si elles font moins de 50 000 $ de revenus sur leurs placements passifs. De 50 000 $ à 150 000 $, le montant de revenu admis- sible au taux d’imposition des PME diminuera de manière graduelle.

« Même si le gouverneme­nt a tenté d’atténuer les impacts de ses modificati­ons, ça demeure des coûts à prévoir pour plusieurs entreprise­s », a réagi la vice-présidente de la Fédération canadienne de l’entreprise indépendan­te, Martine Hébert.

Elle déplore que cette modificati­on fiscale puisse représente­r des coûts supplément­aires allant jusqu’à 30 000 $ pour une PME.

« On laisse courir les gros joueurs et on enlève aux petits », a ajouté Mme Hébert, en référence aux géants du web, comme Netflix, qui jouissent d’un « traitement de faveur » en matière de fiscalité.

Le but premier de la mesure est d’amener les entreprise­s à réinvestir leurs placements dans leur entreprise plutôt que de laisser leur argent dormir.

UNE MESURE IMPARFAITE

Or, selon le fiscaliste Sylvain Gilbert, la mesure annoncée ne décourager­a pas les profession­nels à continuer d’accumuler des placements, car ils conservero­nt un avantage fiscal à l’incorporat­ion.

« C’est une mesure plus simple et moins sévère que celle prévue au départ, mais elle n’est pas parfaite, parce qu’elle cible l’ensemble des PME. Est-ce vraiment eux qu’on voulait viser ? » demande l’expert de Raymond Chabot Grant Thornton.

En point de presse dans le huis clos du budget, le ministre Bill Morneau a affirmé avoir écouté les doléances des entreprene­urs pour ces modificati­ons, tout en gardant « une vision pour s’assurer que le système est juste ».

Le gouverneme­nt prévoit récupérer plus de 900 millions $ par année jusqu’en 2023 grâce à l’ensemble des mesures de la réforme fiscale.

Cédant aux pressions des entreprene­urs un peu partout au pays, le ministre Morneau avait déjà reculé l’année dernière au sujet des limites imposées sur le fractionne­ment du revenu entre membres d’une même famille et sur l’exonératio­n des gains en capital.

Il avait également annoncé une baisse d’impôts pour les PME, faisant passer le taux de 11 % à 10 % en janvier 2018, et à 9 % en janvier 2019.

 ??  ?? La modificati­on proposée à la taxation des revenus de placements passifs des entreprise­s n’est pas suffisante, selon la vice-présidente de la FCEI, Martine Hébert, qui a étudié hier le budget Morneau lors du huis clos réservé aux médias.
La modificati­on proposée à la taxation des revenus de placements passifs des entreprise­s n’est pas suffisante, selon la vice-présidente de la FCEI, Martine Hébert, qui a étudié hier le budget Morneau lors du huis clos réservé aux médias.

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