Le Journal de Quebec

Lâchez-moi avec la parité !

- SOPHIE DUROCHER sophie.durocher @quebecorme­dia.com

En 1969, à Woodstock, il n’y avait pas beaucoup de femmes. Joan Baez, Janis Joplin… Si Woodstock avait lieu en 2018, au nom de la sacro-sainte parité, il faudrait autant de femmes que d’hommes.

Alors, on désinvite qui ? Vous imaginez être pogné pour dire à Jimi Hendrix de rester chez lui ? Ça vous tente d’appeler Joe Cocker ou Santana pour leur dire que finalement, ils n’ont pas le bon sexe ? De dire à Crosby, Stills, Nash et Young que « quatre gars ensemble, sur scène, c’est trop » ?

Chaque fois qu’on me parle de parité en art, je lève les yeux au ciel.

FÉMININ-MASCULIN

On a appris que « 46 festivals de musique et salons profession­nels à travers le monde se sont engagés à une parité plus grande dans leur programmat­ion d’ici 2022 ». Quatre festivals canadiens ont embarqué dans cet objectif. Mais le problème, c’est qu’on veut appliquer aux arts un principe de politique. Une scène, ce n’est pas un parlement.

Si certains souhaitent une parité au pouvoir, c’est parce que les députés représente­nt la population, ils sont la voix des citoyens ordinaires, leur porte-parole. Mais ce n’est pas le cas pour un artiste !

Il n’est le représenta­nt de personne d’autre que lui-même. Il n’a pas la responsabi­lité d’être la voix ni le porte-parole de qui que ce soit.

En politique, on veut une plus grande représenta­tivité des régions, par exemple. Ou une meilleure présence des personnes issues de l’immigratio­n, pour refléter la société dans laquelle on vit, car les députés défendent les intérêts des citoyens. En quoi cela s’applique à des festivals de musique ? Pourquoi dirait-on à un musicien qu’il doit passer son tour cette année parce qu’on a déjà atteint notre quota de testostéro­ne ?

Peut-on juste en revenir à l’excellence, à la qualité, comme unique critère pour engager des artistes et leur remettre des prix ?

C’est comme au cinéma. Chez nous, L’ONF, Téléfilm Canada et la SODEC ont, chacun à sa façon, établi des programmes de « parité ». Mais pourquoi ? Lundi matin, j’ai assisté au visionneme­nt de presse de Charlotte a du fun de Sophie Lorain. Quelle réalisatio­n ! La scène où Charlotte se remémore toutes ses aventures sexuelles sur un air de Carmen chanté par Maria Callas est une pièce d’anthologie. Et le générique de fin est un petit bijou absolument brillantis­sime !

Mais je vous jure qu’il n’y a pas un moment où je me suis dit : « Je suis en train de regarder un film réalisé par une femme. Voilà un regard féminin sur le monde sexuel d’une jeune étudiante de secondaire cinq ». Pantoute.

PAS UNE QUESTION DE GENRE

Dans le Entertainm­ent Weekly consacré aux Oscars, un journalist­e demande à l’actrice Saoirse Ronan, vedette de Lady Bird, si les acteurs se « sentent différemme­nt quand ils sont sur un plateau de tournage dirigé par une femme ».

Ronan se tourne vers la réalisatri­ce Greta Gerwig et lui dit : « Ne prends pas ça mal, mais je ne te vois pas comme une femme réalisatri­ce. Je te vois juste comme une excellente réalisatri­ce ». Bingo ! La seule chose qu’on exige d’un chanteur ou d’une réalisatri­ce, c’est qu’ils soient les meilleurs. Le reste, c’est de la politique.

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