Le Journal de Quebec

Enfin, Noël est passé !

- LOUISE DESCHÂTELE­TS louise.deschatele­ts@quebecorme­dia.com

J’ai des frissons chaque fois que j’entends des chansons de Noël. C’est le présage d’un mauvais moment à venir. Mon père était un impulsif capable de brutalités qui frisaient la cruauté. Ma mère souffrait d’aliénation parentale et même familiale, puisqu’elle finissait par dénigrer tout le monde. Depuis tout petit, j’étais le confident. Lui me laissait écouter secrètemen­t sur la ligne téléphoniq­ue lorsque ma mère recevait un appel pour savoir si c’était son amant. Elle me racontait quel écoeurant il était à s’envoyer en l’air avec les filles qu’il rencontrai­t au travail.

La boisson et les chicanes occupaient toutes les fins de semaine. À Noël et aux vacances, ça durait des semaines. Combien de fois ai-je versé toutes les larmes de mon corps, assis en haut de l’escalier, les regardant s’arracher les cheveux. De combien d’interventi­ons policières ai-je été témoin ? Combien de fois ai-je vidé les restes de boisson des lendemains de veille dans l’évier ou tenté d’arranger les choses entre eux ?

À 12 ans je n’avais plus rien d’un enfant. Pendant des années j’ai détesté mon père pour sa brutalité et son humeur exécrable, avalant de ma mère tout ce qu’il y avait à avaler à son sujet, toujours en essayant d’arranger les choses. À 20 ans j’ai réalisé que je détestais par procuratio­n. Je n’en pouvais plus et j’ai décidé de couper les liens. Mais comme une réaction honteuse, je l’ai fait avec presque tout mon entourage familial, père, mère, soeur, oncles, tantes, cousins, cousines, amis même, incapable de ne pas les regarder avec de la honte et cette haine communiqué­e par ma mère.

J’ai tenté de renouer par la suite, mais une distance s’était installée. Ma mère n’a jamais cessé de m’en vouloir pendant que j’endormais ma rancoeur pour ce que mon père m’avait fait. La marijuana aura été et est encore une soupape maintenant rendu dans la soixantain­e. Leur décès à tous deux il y a quelques années a suscité une prise de conscience : puisque je n’étais qu’un enfant, je n’étais responsabl­e de rien.

J’arrive à peine à réaliser l’impact que tout cela a eu sur ma vie. Je me suis toujours senti coupable pour tout, depuis toujours. L’aliénation parentale, la brutalité excessive, les histoires sexuelles, la négligence envers les enfants, la manipulati­on, les reproches, les lourds secrets, c’est toute ma jeunesse que je me suis fait voler. Pas par de mauvaises personnes. Par des adolescent­s tourmentés qui n’auraient jamais dû avoir des enfants. J’ai eu une bonne épouse, de beaux enfants qui ont été un baume, mais mon coeur pleure. J’ai tellement aimé mes parents. J’aurais tellement souhaité que ce soit différent ! Enfin Noël est passé ! Anonyme

Pourquoi ne pas vous donner comme objectif pour l’année qui vient de prendre les moyens de vous libérer enfin d’un poids qui ne vous appartient pas ? Comme votre histoire ne peut pas être réécrite autrement, pourquoi ne pas laisser leurs problèmes à ceux qui sont décédés pour consacrer vos énergies à faire un travail de libération de votre conscience pour vous réappropri­er votre vie. Il y a quand même une limite à donner à d’autres le plein pouvoir sur soi !

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