Des traumatismes à guérir
Un policier de la Beauce est de retour au travail après avoir abattu un suspect en août
Plus de six mois après avoir abattu un individu à Saint-georges de Beauce, le policier de la Sûreté du Québec qui a utilisé son arme de service est de retour au travail depuis cette intervention fort troublante dans la carrière d’un patrouilleur.
Le 10 août dernier, la victime, Guillaume Bolduc, 25 ans, a été atteinte mortellement par un policier de la SQ près de la route 173 et de la 1re Avenue. Le suspect aurait attaqué le policier avec un couteau. Blessé, le policier aurait alors utilisé son arme de service.
Pourtant, l’enquête est encore en cours et le rapport du Bureau des enquêtes indépendantes (BEI) ne devrait pas être acheminé au Directeur des poursuites criminelles et pénales avant quelques mois encore. C’est d’ailleurs parce que l’enquête n’est pas finie que Le Journal n’a pas pu s’entretenir avec lui et connaître son nom.
« Oui, c’est possible de revenir comme policier après un tel événement. À l’inverse, il existe des situations pénibles où des policiers auront des difficultés. J’ai en tête celle d’un jeune homme brûlé vif sous les yeux d’un agent qui a été incapable de le sortir vivant de la voiture. Il l’a entendu hurler. Quatre ou cinq ans plus tard, il n’était pas de retour au travail », explique l’expert en affaires policières Jean-françois Brochu.
Retraité de la SQ, Stéphane Jean a réussi à reprendre le boulot en 1995, après avoir été atteint d’un coup de feu tiré par un suspect qui s’est finalement suicidé, à Tingwick, près de Victoriaville.
« J’ai des séquelles permanentes, mais j’ai pu occuper un poste de gestion. Ma victoire était d’être vivant. J’avais accepté que ma vie serait différente. J’ai souvent repassé la scène dans ma tête, mais pas pour chercher des lacunes ou me culpabiliser. Ça peut être très utile de rencontrer des gens qui ont vécu des choses traumatisantes. »
L’ancien policier affirme qu’il faut une force de caractère pour revêtir son uniforme à nouveau. « Je me sentais moins vulnérable puisque je n’étais plus dans un contexte d’intervention. Je n’étais plus exposé à des risques comme j’avais vécus. »
DEUX ANS APRÈS
De retour dans son autopatrouille deux ans après avoir frôlé la mort, l’agent Guillaume Bernier croit aussi qu’il est possible de tra- verser cette épreuve.
En août 2015, Bernier effectuait un transport de détenu quand le suspect s’est emparé de son volant et a causé une collision frontale avec un camion semi-remorque sur la route 117. « Ça roule dans ta tête. Tu peux retourner tous les scénarios dans ta tête et ça ne donne rien du tout. Tu cherches les indices qui auraient pu te faire agir différemment. Il faut lâcher prise », dit-il, après des mois d’hospitalisation et de réadaptation.
PÉRIODE DIFFICILE
À la suite d’une fusillade comme celle de Saint-georges, certains policiers vivent une période difficile alors qu’ils se retrouvent sous les projecteurs, croit Jean-françois Brochu. « Dans les enquêtes indépendantes, tu es mis en doute. Le système regarde la décision que tu as prise dans une fraction de seconde. C’est dur pendant des mois, dans l’incertitude. » Pour sa part, l’ancien sergent Alain Gelly, qui enseigne toujours, se souvient d’avoir utilisé son arme à feu lors de ses premières années.
« Quand tu prends ce choix-là, tu dois être capable de vivre avec la décision. Ce n’est pas le moment où tu prends la décision qui est important, c’est comment tu vas le vivre après, toute ta vie. »