Le Journal de Quebec

L’après-Relâche

Une année scolaire dans une classe de 6e année est séparée en deux blocs clairement définis : celui avant la Relâche et celui après la Relâche.

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Ah ! Avant la Relâche… La belle époque ! Alors que mes grands aiment encore profiter des joies hivernales.

Qu’ils reviennent de la récré les joues rouges et les vêtements enneigés. Alors qu’après. Le pantalon de neige n’a plus rapport. La tuque encore moins.

Et les manteaux d’hiver ne tiennent que par le capuchon, sur le bout de la tête. Sans les bras dans les manches.

Mes élèves n’attendent que le premier trou d’eau entre deux buttes de neige pour venir à l’école en espadrille­s.

C’est l’été après tout, le 12 mars.

HUMEURS

Ah ! Avant la Relâche. Quand l’humeur de la majorité de mes filles est relativeme­nt égale.

Alors qu’après, elles apprennent presque toutes à vivre en même temps avec les aléas de leurs premières règles.

Ces premiers balbutieme­nts de solidarité féminine. Lorsque l’une d’entre elles demande d’aller à la salle de toilettes deux fois en moins de cinq minutes.

Mes filles se regardent. Complices. Se faisant presque un hi-five à distance.

Le climat est relativeme­nt bon entre mes élèves avant la Relâche. Après ? Moins. Il y a, comment dire, une tension.

Permanente. Mes élèves sont à pic. Réactifs.

SO-SO-SO SOLIDARITÉ

Les règles du primaire n’ont plus aucun sens après la Relâche. Mes élèves critiquent tout. Et revendique­nt. Dont le droit parmi tous les droits qui existent.

Celui de mâcher la gomme. Comme secondaire ! de au

Tout ce qui allait avant la Relâche ne va plus après.

Mes grands n’en peuvent plus de leurs midis au service de garde. Des journées pédagogiqu­es passées à l’école. De la flûte à bec. Après la Relâche, des filles se maquillent. Explorent les styles.

GEL ET PARFUM

Un ou deux gars risquent du gel dans leurs cheveux.

Le plus audacieux tente le parfum. Une seule fois.

Il en a trop mis et se l’est fait dire dans l’autobus, en partant. Ça fait long toute une journée à sentir le papa.

Mes gars jouent encore tous avec mes blocs, après la Relâche. Mais en cachette. Ils se « paient » une récré intérieure avec leurs étoiles-privilèges. À l’abri des regards des filles ou des deux gars de la classe beaucoup plus matures qu’eux. Qui pourraient se moquer. Matures. Comme dans « bientôt, ça se peut que je n’aille plus au service de garde le midi et que ma mère me laisse dîner seul à la maison ».

ENSEIGNER… AUSSI !

À moi maintenant de contenir tout ce beau monde.

Faire ce que je peux pour les amener tous au 22 juin. Sains. Saufs. Et en réussite. Parce qu’à travers toute cette intensité de l’après-relâche qui déborde de partout, il faut aussi, dans un monde idéal, que j’enseigne. Enseigner. Ce qui devrait occuper la majeure partie du temps dans la journée d’une enseignant­e…

C’est quoi déjà la recette ? La chanson ? Un jour à la fois ? Non. Une période à la fois. Avec deux grosses tasses de patience.

Et autant d’humour.

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