Le Journal de Quebec

Mieux payés, les médecins du Québec travaillen­t moins

Le nombre de visites par médecin de famille a diminué de 17 %, et de 12 % chez les spécialist­es

- PATRICK BELLEROSE

La hausse de rémunérati­on fulgurante des médecins du Québec depuis 10 ans s’est soldée par une baisse importante de productivi­té, révèle un rapport dévastateu­r.

« On a réussi, entre 2006 et 2015, à doubler l’argent qu’on a investi dans la rémunérati­on des médecins, sans augmenter le volume de services », constate un des chercheurs qui a dirigé l’étude, Damien Contandrio­poulos, en entrevue avec Le Journal.

Durant cette période, les dépenses liées à la rémunérati­on des médecins sont passées de 3,3 milliards $ à près de 6,6 milliards $, soit une augmentati­on annuelle moyenne de 8,1 %. De plus, le nombre de médecins a crû de 17 %.

Pourtant, le nombre de visites par médecin de famille a diminué de 17 % pendant les années étudiées; chez les spécialist­es, la diminution est de 12 %. Le nombre de jours travaillés suit la même tendance à la baisse : de 4,5 % chez les omnipratic­iens, et de 3,1 % chez leurs collègues spécialist­es.

Dans certaines catégories, la performanc­e des médecins a simplement stagné, sans reculer, précise M. Contandrio­poulos, également professeur à l’université de Victoria.

PAIEMENT À L’ACTE

Pour les chercheurs, le mode de rétributio­n des médecins est au coeur du problème. « La rémunérati­on à l’acte, ça devrait nous en donner plus pour notre argent, souligne Damien Contandrio­poulos. Mais, quand on regarde 2006 à 2015, clairement, ça n’a pas livré la marchandis­e. »

Ce dernier ne va pas jusqu’à dire que le paiement à l’acte nuit à la productivi­té des médecins. « Mais si ç’a un effet sur la productivi­té, il est clairement beaucoup trop modeste », dit-il.

Au contraire, la hausse des sommes accordées aux médecins peut avoir eu un effet pervers sur leur productivi­té. « Dans un système où on est payé à l’acte et où on augmente beaucoup la valeur des actes, c’est sûr qu’on peut se permettre de travailler moins et de gagner plus », souligne Damien Contandrio­poulos.

De plus, la nouvelle génération de médecins valorise plus la conciliati­on travail-famille, ce qui peut également avoir un impact sur la prestation de services.

SALARIAT

Pour Damien Contandrio­poulos, les médecins qui oeuvrent principale­ment dans un seul établissem­ent devraient être des salariés. « On n’est pas obligés d’appeler ça salariat, dit-il. Ça pourrait être des blocs de temps : pour chaque bloc de trois heures et demie travaillé, le médecin reçoit une rémunérati­on. » Dans le cas du travail en clinique, le paiement à l’acte demeure nécessaire puisqu’aucun gestionnai­re n’est présent pour s’assurer que le médecin est présent durant les heures rémunérées.

Et à ceux qui prétendent que le salariat pourrait mener à une baisse de productivi­té, Damien Contandrio­poulos répond : « C’est difficile de voir comment on pourrait faire pire qu’entre 2006 et 2015 avec le paiement à l’acte. »

 ??  ?? Dans les établissem­ents de santé, « il n’y a aucune raison logique, cohérente de travailler avec un modèle de paiement à l’acte », estime le chercheur Damien Contandrio­poulos.
Dans les établissem­ents de santé, « il n’y a aucune raison logique, cohérente de travailler avec un modèle de paiement à l’acte », estime le chercheur Damien Contandrio­poulos.

Newspapers in French

Newspapers from Canada