Le truc est simple : un prêt de 800 000 $ pour un passeport
La plupart de ces immigrants investisseurs partent ensuite vers d’autres provinces
Neuf immigrants investisseurs sur dix ne s’établiront jamais au Québec même s’ils profitent d’un programme d’investissement Québec pour obtenir leur passeport canadien.
Le Programme québécois des immigrants investisseurs est loin d’engendrer des retombées économiques importantes au Québec, car 90 % des participants quittent la province pour élire domicile ailleurs au pays, révèlent des données compilées par Statistique Canada pour Le Journal.
Près de 1900 gens d’affaires étrangers sont admis tous les ans dans le cadre ce programme d’investissement Québec. Ceux-ci doivent : √ disposer d’au moins 1,6 million $ d’actifs, √ avoir « l’intention de s’établir au Québec »,
√ prêter 800 000 $ sans intérêt à Investissement Québec.
De 1991 à 2016, 57 935 immigrants, surtout originaires de la Chine, ont bénéficié du programme.
Du lot, seulement 6050 vivent aujourd’hui au Québec. Vancouver et Toronto en accueillent 46 000, ou 80 %.
Leurs revenus au pays sont bien plus faibles que la moyenne canadienne, ce qui laisse croire aux experts que l’essentiel de leur richesse reste dans leur pays d’origine, échappant au fisc canadien.
UN « POINT D’ATTERRISSAGE »
« Montréal n’est qu’un point d’atterrissage. [...] Le Québec obtient son prêt et tous les coûts se retrouvent dans d’autres villes canadiennes », résume David Ley, de l’université de Colombie-britannique, expert des programmes d’immigrants investisseurs du Canada et du Québec.
Ottawa a fermé son programme en 2014, car il ne « présentait pas d’avantages économiques », selon le gouvernement. Or, Québec insiste pour maintenir le sien, déplore M. Ley.
« Ça a été fermé par les conservateurs, qu’on ne peut pas accuser d’être antibusiness. Les revenus des gens au Canada étaient si faibles qu’ils ne contribuaient pas à la croissance économique, et ce, tout en envoyant leurs enfants à l’école et en utilisant nos services de santé. Ils contribuent aussi activement à l’explosion des coûts de l’immobilier à Vancouver et Toronto. »
Cette réalité a d’ailleurs poussé l’ex- première ministre de Colombie-britannique, Christy Clarke, à demander au Québec de modifier son programme, pour que les immigrants investisseurs « dépensent et restent au Québec ». En vain.
Le Conseil du patronat du Québec, qui a produit une étude sur le programme, est plus nuancé. Le programme est imparfait et doit être réformé, croit l’économiste en chef Norma Kozhaya.
PAS SI PIRE QUE ÇA
Elle se dit « surprise » par la proportion de demandeurs qui quittent le Québec, mais fait valoir que ces gens fortunés contribuent à l’économie grâce à leur pouvoir d’achat. Leur prêt de 800 000 $ rapporte gros, ajoute-t-elle.
Il est vrai que Québec dispose ainsi d’un prêt sans intérêt de 5 milliards $. Les revenus générés par les placements des candidats financent deux programmes d’aide aux entreprises.
« Si on exigeait qu’ils restent au Québec ou qu’ils achètent une résidence ici, ils dépenseraient plus, démarreraient peut-être des entreprises, créeraient des emplois », croit Mme Kozhaya.
Le ministre de l’immigration, David Heurtel, a quant à lui refusé d’accorder une entrevue au Journal dans le cadre de ce dossier.