Le Journal de Quebec

Le grand ménage

- RICHARD LATENDRESS­E richard.latendress­e@quebecorme­dia.com

Le printemps est précoce à Washington et Donald Trump a sorti le balai. Il a viré, hier, son secrétaire d’état comme on agite un tapis poussiéreu­x par la fenêtre : deux, trois bonnes secousses avant de le jeter dans un coin. On repeint au complet, le tapis ne colle plus avec le « look ».

Le respectabl­e ministre des Affaires étrangères de 65 ans avait l’air d’un boxeur sonné en se présentant dans la salle de presse du départemen­t d’état. La tête baissée, prenant de profondes bouffées d’air, il n’avait surtout pas l’allure d’un diplomate prêt à négocier le démantèlem­ent de l’arsenal nucléaire nord-coréen.

Rex Tillerson se doutait que le train s’en venait, mais il croyait pouvoir s’éloigner des rails au moment où il l’aurait souhaité. Il pensait mériter cette ultime faveur, après 14 mois à se faire publiqueme­nt ramener à l’ordre par Trump qui détestait son flirt avec la bonne vieille façon de garantir la paix dans le monde : s’asseoir, discuter, conforter ses alliés, essayer de s’en faire d’autres.

BIEN EN SELLE, LE PRÉSIDENT

Pas étonnant que l’ex-pdg d’exxon Mobil ait appris que sa fin approchait au milieu de l’afrique, loin du stress qui étouffe Washington depuis que Donald Trump s’est installé à la Maison-blanche. S’il était resté ici, il aurait vu que le président était un cheval nerveux, pris dans sa stalle en attendant le signal de départ.

C’est d’ailleurs le message que Trump lui-même a livré tôt hier matin avant de s’envoler pour la Californie. Confirmant d’abord le remplaceme­nt de son secrétaire d’état, il a poursuivi en ajoutant : « J’en suis venu, au cours de la dernière année, à très bien connaître plusieurs personnes. J’en suis arrivé au point où je suis très près d’avoir le cabinet que je veux. »

Le ménage du printemps n’est pas fini.

Aussi prévisible que pût être le congédieme­nt de Rex Tillerson, il avait malgré tout ce statut d’« adulte dans la pièce », un de ces rares hommes crédibles et compétents en qui les Américains et le reste de la planète pouvaient compter pour encadrer le caractère impulsif du président.

Ils étaient quatre : Rex Tillerson; John Kelly, le chef de cabinet; James Mattis à la Défense et Michael Flynn, le conseiller à la Sécurité nationale. Selon les sources de Dana Bash, la journalist­e de CNN, Tillerson était le mieux préparé, mais le moins efficace. C’est que le président n’aime pas trop les experts, il se fie plutôt à son guts. Et il carbure à la loyauté aveugle.

DES RÉFLEXIONS QUI NE PASSENT PAS

Le chien de Tillerson était mort et enterré depuis cette réunion l’été dernier à laquelle Donald Trump n’assistait pas. Dans un échange dont on ne connaît pas les détails, le secrétaire d’état avait qualifié son patron de fucking moron. Trump en avait eu vent; le compte à rebours de l’éjection de Tillerson a commencé là.

Le problème, c’est que le président en aurait aussi maintenant assez de son conseiller à la Sécurité nationale. Mcmaster est un homme austère, sérieux, qui laisse peu de corde à Trump pour partir des chicanes avec d’autres dirigeants ailleurs dans le monde. John Kelly, son chef de cabinet, serait également au bout de ses astuces pour empêcher la Maison-blanche de retomber dans le fouillis dans lequel elle se trouvait au cours des six premiers mois de 2017.

Au rythme où vont les choses, avec Donald Trump désormais pleinement sûr de lui, il risque de ne rester que des Yes men autour de lui. Eux, Ivanka, sa fille et Jared, son gendre. Méchante brochette pour diriger les États-unis au complet !

Tillerson était le mieux préparé, mais le moins efficace.

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PHOTO AFP Rex Tillerson s’est fait montrer la porte, hier, par le président Donald Trump. Le secrétaire était encore sous le choc lors d’un court point de presse à Washington.
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