Couillard, entre convictions et calculs
Lorsqu’on fera le bilan de la carrière politique de Philippe Couillard, dans quelques années, personne ne pourra lui enlever une chose : un sincère parti pris pour une mobilité moderne.
À Montréal, le Réseau express métropolitain de la Caisse de dépôt, rebaptisé ainsi récemment, pourrait commencer à être opérationnel dès le début de la décennie 2020.
Sans l’appui senti de M. Couillard, aurait-il pu voir le jour ?
Bien qu’il y ait toujours une part de calculs dans tout geste politicien, bien que tout élu, en politique, soit forcé de faire des calculs, il y a des moments où l’on peut conclure qu’un politicien agit surtout en fonction de ses convictions.
Or, des convictions, ça en a sûrement pris une bonne dose à Philippe Couillard pour mettre, comme il l’a fait hier, tout son poids derrière un projet comme celui du « transport structurant » à Québec. Un projet incertain dont les éventuels dérapages et dépassements de coûts pourraient le rattraper.
C’est Philippe Couillard, a-t-on appris, qui a même poussé le maire Labeaume, lors d’un souper, à concevoir un grand projet, audacieux. Ainsi, le premier ministre a convaincu le premier magistrat de Québec de revenir à l’option tramway, laquelle il avait d’abord rejetée, puis adoptée… puis rejetée de nouveau (!).
CALCUL RISQUÉ
On dira que le chef libéral est en difficulté dans la capitale et veut se coller au maire de Québec – réélu récemment avec 52 % des voix – qui exerce encore un ascendant sur les électeurs malgré l’usure du pouvoir et les coups de gueule.
Cela fait sans doute partie de l’équation, mais c’est un pari hautement risqué.
Car la capitale, à part l’esquif du Vieux-québec, est une ville de « chars », qui a été gâtée sur le plan automobile depuis les années 1960. Et qui a même du mal à s’imaginer autrement.
Plusieurs de ses radios les plus écoutées s’opposent farouchement à tout projet collectif structurant. « Le seul vrai problème de transport à Québec, pestait un animateur hier sur l’une d’entre elles, c’est nos autoroutes qui sont trop vieilles ! »
Sur ces ondes, on privilégie d’abord et avant tout la construction d’un « troisième lien » entre les deux rives. Les animateurs ont fait activement campagne pour le parti municipal Québec 21, qui n’avait à peu près que ce seul projet comme programme et dont le chef Jean-françois Gosselin est devenu le chef de l’opposition à l’hôtel de ville.
Sur ces ondes, donc, on risque d’entendre très peu de discours pro-libéraux et pro-couillard.
COLÈRE SUR L’AUTRE RIVE
De plus, appuyer le projet de la Rive-nord comme l’a fait M. Couilllard provoquera la jalousie de l’autre côté du fleuve. Déjà, hier, le maire de Lévis, Gilles Lehouillier, lui-même pourtant un ancien député libéral, a lancé au premier ministre Couillard un « Youhou, on existe ! » insulté. La CAQ était forte sur la RiveSud; on peut s’imaginer qu’avec l’annonce d’hier et la réaction du maire Lehouillier, elle pourra gagner encore des voix et en enlever aux libéraux. Certains diront que ce parti pris permettra cependant à M. Couillard et à son équipe de se distinguer de la CAQ. De se positionner en équipe des « solutions d’avenir ». Peut-être. François Legault semble d’ailleurs embêté : il a annoncé qu’il attendrait à lundi pour commenter le nouveau projet de tramway-trambus de Québec. Il y a certainement là un calcul de la part de Philippe Couillard. Il est risqué. Traitez-moi de naïf, mais j’ai l’impression que ses convictions comptent aussi pour beaucoup ici. Calculs et convictions, passion pour l’avenir, pour les grands projets, tout cela était tout aussi présent lorsqu’il a lancé l’idée de la construction d’un « monorail » entre Québec et Montréal. Il s’était même un peu laissé emporter, cette fois-là !