Le Journal de Quebec

Couillard et le « nationalis­me ethnique »

- FATIMA HOUDA-PEPIN fatima.houda-pepin @quebecorme­dia.com

Politologu­e, consultant­e internatio­nale et conférenci­ère

Il fut un temps où le Parti libéral du Québec portait les aspiration­s des Québécois francophon­es et défendait fièrement leur identité.

Il le faisait dans le respect des droits de la minorité anglophone et des Québécois issus de l’immigratio­n. GeorgesÉmi­le Lapalme, Jean Lesage, Claude Ryan et Robert Bourassa en sont l’illustrati­on.

LE PARTI DE LA SOUMISSION

Mais depuis l’arrivée au pouvoir de M. Couillard, le PLQ a tourné le dos à sa majorité francophon­e qui le lui rend bien puisqu’il n’y recueille, selon le dernier sondage Léger, que 17 % des intentions de vote.

Dans son essai Les valeurs libérales et le Québec moderne, Claude Ryan identifie sept valeurs qui définissen­t le PLQ, la deuxième étant l’identifica­tion au Québec.

Il y affirme : « Tout en étant fédéralist­e, le parti (libéral) s’est en effet identifié de plus en plus nettement aux attentes et aux besoins du peuple québécois. Il s’est employé à en mieux connaître et comprendre les besoins et les aspiration­s. »

Or, dans l’esprit de M. Couillard, défendre la spécificit­é du Québec et l’identité des Québécois francophon­es, comme le fait la CAQ, c’est verser dans le « nationalis­me ethnique ».

C’est ainsi qu’après avoir promis, lors de la campagne électorale de 2014, de réparer l’affront fait au Québec, en 1982, par le gouverneme­nt fédéral, il a refusé, par la voix de son leader parlementa­ire, Jean-marc Fournier, le 13 avril 2017, de donner son consenteme­nt à l’adoption d’une motion qui condamnait le rapatrieme­nt unilatéral de la Constituti­on canadienne.

Pourtant, cinq ans auparavant, le 17 avril 2012, une motion identique avait été présentée, alors que je présidais l’assemblée nationale. Elle a été débattue et adoptée à l’unanimité, y compris par M. Jean Charest et le même Jean-marc Fournier.

La motion rappelle que cette loi canadienne a été promulguée « sans l’accord » de l’assemblée nationale et « réaffirme formelleme­nt qu’elle n’a jamais adhéré à cette loi qui a eu pour effet de diminuer les pouvoirs et les droits du Québec sans son consenteme­nt et que la Loi constituti­onnelle de 1982 demeure toujours inacceptab­le pour le Québec ».

Comment se fait-il que sur un enjeu « d’affirmatio­n nationale » aussi capital, tant au plan historique que symbolique, M. Couillard renie une position fondamenta­le de son propre parti ? Poser la question, c’est y répondre.

UNE DISTORSION DE L’HISTOIRE

On le voit dans sa stratégie de dénigremen­t de la CAQ qu’il a lui-même associée aux mouvements « populistes » d’extrême droite en Europe (voir ma chronique du 10 mars dernier, ici : bit.ly/2fdhq3v).

La semaine dernière, c’était au tour du très zen ministre des Finances, Carlos Leitao, de s’épancher devant des membres de la communauté anglophone, pour accuser la CAQ de prêcher le « nationalis­me ethnique ».

Or, au-delà de l’instrument­alisation du vote des anglophone­s et des immigrants, il est inadmissib­le de réduire les aspiration­s légitimes du peuple québécois à une affaire de « nationalis­me ethnique ». Une odieuse distorsion de l’histoire.

Pour Claude Ryan qui fut chef du PLQ, « l’identifica­tion avec le Québec passe d’abord par l’identifica­tion avec sa majorité francophon­e. Elle postule que l’on assume les aspiration­s de cette majorité, ainsi que son histoire, sa langue et sa culture, ses institutio­ns, ses modes de vie et ses particular­ismes. »

Le gouverneme­nt Couillard a d’autres priorités. Il est mené par des technocrat­es rompus aux « vraies affaires », comme M. Leitao, qui ignorent tout de l’histoire du PLQ et des combats qu’il a menés pour un Québec moderne.

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Il fut un temps où le Parti libéral du Québec portait les aspiration­s des Québécois francophon­es et défendait fièrement leur identité.
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