Le Journal de Quebec

Deux fois plus à quitter l’armée

- BORIS PROULX ET CHRISTOPHE­R NARDI

Plusieurs militaires délaissent les Forces en raison de problèmes de santé mentale ou physique

OTTAWA | Le stress des missions à l’étranger et les problèmes de santé mentale font de plus en plus de ravages auprès des militaires canadiens, qui sont deux fois plus nombreux à quitter les Forces pour des ennuis de santé qu’il y a 10 ans.

Même plusieurs années après le retrait des soldats canadiens d’afghanista­n, en 2011, les troubles de santé liés à cette mission se font de plus en plus sentir. C’est ce que révèlent des statistiqu­es des Forces armées canadienne­s (FAC) obtenues par Le Journal.

Presque 4 soldats sur 10 qui ont quitté les Forces lors des deux dernières années étaient malades physiqueme­nt ou psychologi­quement. Au total, 1800 d’entre eux ont eu leur congé pour raisons médicales en 2017.

C’est environ le double de ce qui était observé il y a une décennie. Une situation qui n’ira pas en s’améliorant.

« La nouvelle norme est maintenant d’environ 2000 congés de maladie par année », admet le porte-parole et lieutenant Kelly Boyden.

Le trouble de stress post-traumatiqu­e (TSPT) est évoqué pour environ la moitié des départs pour raisons de santé mentale.

LONG TERME

« Le gouverneme­nt est bien vite pour envoyer du monde [à la guerre], mais des fois il oublie qu’il y aura des effets à long terme, 5, 10 ans plus tard », réagit l’ancien militaire québécois Jordie Yeo.

Blessé en Bosnie-herzégovin­e en juillet 1993, il dit avoir commencé à ressentir les effets aigus de son trouble de stress post-traumatiqu­e près d’une décennie plus tard, en 2002.

« J’ai frappé un mur. Je pensais que je devenais fou, que je perdais la perception de la réalité », témoigne-t-il.

Selon lui, un plus grand nombre de soldats encore dans les Forces pourrait éventuelle­ment quitter pour des raisons de santé, en découvrant des années plus tard, comme lui, les blessures psychologi­ques infligées lors d’un déploiemen­t.

EXPLOSION

Les sommes dépensées par le fédéral pour les prestation­s d’invalidité­s pour ex-militaires ont aussi explosé ces dernières années, pour frôler le 3 milliards $ l’an dernier ( voir autre texte).

Martin Plouffe, ex-militaire qui touche ces prestation­s depuis son départ pour raisons médicales en 2011, explique ce sommet historique des dernières années par plus de facilité à obtenir un diagnostic de stress post-traumatiqu­e.

« Avant, on n’avait pas le droit d’en parler », se souvient-il, évoquant ses missions à l’étranger en Bosnie et en Afghanista­n qui ont mis fin à sa carrière.

Tout n’est pas réglé selon lui, puisque « beaucoup de paperasse » est encore nécessaire pour obtenir des prestation­s d’anciens Combattant­s Canada, alors que ceux qui sont le plus malades n’ont pas toujours le courage d’aller au bout du processus.

 ?? PHOTO D’ARCHIVES, BORIS PROULX ?? L’ancien combattant montréalai­s Jordie Yeo, blessé au combat dans les années 1990, a manifesté devant le Parlement d’ottawa en juillet pour que soit rétablie la pension à vie pour les militaires invalides, ce qui a finalement été annoncé pour 2019.
PHOTO D’ARCHIVES, BORIS PROULX L’ancien combattant montréalai­s Jordie Yeo, blessé au combat dans les années 1990, a manifesté devant le Parlement d’ottawa en juillet pour que soit rétablie la pension à vie pour les militaires invalides, ce qui a finalement été annoncé pour 2019.

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