Deux fois plus à quitter l’armée
Plusieurs militaires délaissent les Forces en raison de problèmes de santé mentale ou physique
OTTAWA | Le stress des missions à l’étranger et les problèmes de santé mentale font de plus en plus de ravages auprès des militaires canadiens, qui sont deux fois plus nombreux à quitter les Forces pour des ennuis de santé qu’il y a 10 ans.
Même plusieurs années après le retrait des soldats canadiens d’afghanistan, en 2011, les troubles de santé liés à cette mission se font de plus en plus sentir. C’est ce que révèlent des statistiques des Forces armées canadiennes (FAC) obtenues par Le Journal.
Presque 4 soldats sur 10 qui ont quitté les Forces lors des deux dernières années étaient malades physiquement ou psychologiquement. Au total, 1800 d’entre eux ont eu leur congé pour raisons médicales en 2017.
C’est environ le double de ce qui était observé il y a une décennie. Une situation qui n’ira pas en s’améliorant.
« La nouvelle norme est maintenant d’environ 2000 congés de maladie par année », admet le porte-parole et lieutenant Kelly Boyden.
Le trouble de stress post-traumatique (TSPT) est évoqué pour environ la moitié des départs pour raisons de santé mentale.
LONG TERME
« Le gouvernement est bien vite pour envoyer du monde [à la guerre], mais des fois il oublie qu’il y aura des effets à long terme, 5, 10 ans plus tard », réagit l’ancien militaire québécois Jordie Yeo.
Blessé en Bosnie-herzégovine en juillet 1993, il dit avoir commencé à ressentir les effets aigus de son trouble de stress post-traumatique près d’une décennie plus tard, en 2002.
« J’ai frappé un mur. Je pensais que je devenais fou, que je perdais la perception de la réalité », témoigne-t-il.
Selon lui, un plus grand nombre de soldats encore dans les Forces pourrait éventuellement quitter pour des raisons de santé, en découvrant des années plus tard, comme lui, les blessures psychologiques infligées lors d’un déploiement.
EXPLOSION
Les sommes dépensées par le fédéral pour les prestations d’invalidités pour ex-militaires ont aussi explosé ces dernières années, pour frôler le 3 milliards $ l’an dernier ( voir autre texte).
Martin Plouffe, ex-militaire qui touche ces prestations depuis son départ pour raisons médicales en 2011, explique ce sommet historique des dernières années par plus de facilité à obtenir un diagnostic de stress post-traumatique.
« Avant, on n’avait pas le droit d’en parler », se souvient-il, évoquant ses missions à l’étranger en Bosnie et en Afghanistan qui ont mis fin à sa carrière.
Tout n’est pas réglé selon lui, puisque « beaucoup de paperasse » est encore nécessaire pour obtenir des prestations d’anciens Combattants Canada, alors que ceux qui sont le plus malades n’ont pas toujours le courage d’aller au bout du processus.