Le Journal de Quebec

LA NOUVELLE VIE DE SAM HAMAD

Il se confie à Karine Gagnon

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Même s’il carbure toujours aux défis et n’a pas cessé d’être un bourreau de travail, un an après son départ de la politique, Sam Hamad profite d’une liberté retrouvée, loin du « stress négatif » et des agendas dont il était devenu prisonnier.

« Ne vous surprenez pas, il y a plusieurs photos de ma mère sur mon bureau. Je l’ai perdue cette année », annonce M. Hamad lorsque nous prenons place dans son nouveau bureau, chez Globatech, où il a été engagé comme vice-président du développem­ent des affaires à peine une semaine après sa démission comme député de Louis-hébert.

L’année 2017 a été des plus intenses pour l’ex-ministre et ingénieur de formation, qui a accepté de nous accorder sa première entrevue depuis son départ, il y a près d’un an. L’été dernier, quelques mois après avoir tourné la page sur 14 ans de vie politique, il a vécu le décès de sa mère, seul membre de sa famille qui l’avait rejoint à Québec après son départ de la Syrie, au début des années 1980.

Extrêmemen­t émotif, le jour de sa démission en avril 2017, M. Hamad avait raconté comment il était arrivé au Québec avec deux valises – tout ce qu’il possédait – et que la Saint-Vincent-de-paul lui avait fourni un manteau et des bottes d’hiver.

Fils unique, M. Hamad a perdu son père lorsqu’il n’avait que quatre ans. Québec l’a accueilli, il a étudié, a fait son chemin, et a réussi à amener sa mère dans les années qui ont suivi. Il s’est toujours refusé à garder « une patte » dans son pays natal, pour mieux s’intégrer et bâtir son histoire ici. « Il faut accepter (comme immigrant) que tu es différent, mais avec le temps, les gens ne voient plus de différence. »

SAUT EN POLITIQUE

De cette Syrie natale, il a néanmoins ramené une valeur, un principe que lui a transmis une autre femme importante dans sa vie, sa grand-mère. « Elle m’a dit : “Donne et Dieu te donnera.” Ç’a toujours été le principe », dit celui qui a décidé de faire le saut en politique alors qu’il était président de la Chambre de commerce de Québec. C’est aussi ce qui l’a poussé à faire le saut en politique.

« Je me suis dit : c’est à mon tour de donner. Il faut pour ça s’impliquer. Je me suis aperçu que ce serait au gouverneme­nt que je donnerais le plus. » Il ajoute que « les grands milliardai­res de ce monde, une fois qu’ils sont morts, ils ne laissent pas grand-chose à part leur tombe. Ceux qui donnent, ils ne deviennent pas éternels, mais ils laissent leur trace. »

Il retient de ces années en politique des moments exceptionn­els. « Je suis privilégié d’avoir eu la chance de faire ça, d’avoir pu contribuer à changer la vie des gens », considère-t-il.

QUALITÉ DE VIE

En contrepart­ie, la politique implique de sacrifier bien des moments en famille et avec les proches. Il peut maintenant décider de l’agenda en famille, avec son épouse et leurs trois enfants, et voir plus leurs quatre petits-enfants. Cela aurait été impensable à l’époque où il travaillai­t à l’assemblée nationale.

« Les gens disaient à un moment donné : il va se présenter à la mairie (de Québec), et ma femme a dit en joke : c’est sûr qu’il va se présenter, mais à tous les soirs à la maison », raconte-t-il en riant.

Là-dessus d’ailleurs, il est des plus catégoriqu­es : jamais il ne retournera en politique, que ce soit au provincial, au fédéral ou au municipal. Il tient trop à sa qualité de vie, principal changement qu’il note depuis son retour au privé. « J’ai ma vie à moi », lance-t-il.

LE STRESS

Le stress, les événements et les médias au quotidien lui pesaient dans son ancienne vie. « En politique, c’est un stress négatif, explique-t-il. Le stress dans les affaires, c’est un stress d’athlète qui va à la compétitio­n : on se prépare, on s’entraîne, on y va, on court après les idées, on développe ensemble.

On a en bonne partie le contrôle de ce qu’on fait, qu’on réalise. »

« Alors vous ne serez pas le prochain maire de Québec ? » lui ai-je demandé. « Non, jamais. C’est tough et je ne suis plus là. La politique, c’est fini. »

Il rêvait de faire du développem­ent économique et de diriger le Conseil du trésor, et y est parvenu. Comme il l’avait mentionné lors de son départ, il est parti avec le sentiment du devoir accompli. Il n’a pas de regret.

M. Hamad ne veut pas revenir sur les circonstan­ces ayant entouré son départ. Il avait quitté ses fonctions au gouverneme­nt parce que le commissair­e à l’éthique faisait enquête à propos de ses liens avec Marc-yvan Côté, relativeme­nt à l’octroi d’une subvention. Il n’avait pas été blâmé, mais on lui avait reproché d’avoir manqué aux valeurs de l’assemblée nationale. Il n’a pu par la suite réintégrer le conseil des ministres.

Ne lui demandez pas non plus de critiquer le gouverneme­nt, même s’il suit toujours ce qui se passe. Il l’avait dit en partant, et entend bien respecter sa promesse. « Je ne vais pas faire la belle-mère, ou le beau-père comme dirait Manon (Massé). J’ai toujours haï ça quand j’étais de l’autre côté et je me disais : mais de quoi vous parlez ? »

SOUTIEN DES GENS

Reconnaiss­ant que « c’était quelque chose » de partir, il affirme qu’il a vite tourné la page, parce qu’avant de remettre sa démission, il a fait son bilan. Il a couché sur papier 10 pages de réalisatio­ns et s’est dit qu’il pouvait être fier.

Avant, les gens l’arrêtaient à l’épicerie ou au restaurant pour lui parler de dossiers, de problèmes. Aujourd’hui, ils viennent le voir pour lui dire merci, on s’ennuie, on a besoin de vous. « Ce que je trouve agréable, ce qui m’encourage beaucoup, c’est vraiment le regard, le sourire des gens, confie-t-il. Quand on est là-dedans, on ne sait pas trop si les gens réalisent à quel point on travaille fort. »

La veille de notre entretien, un citoyen lui avait même demandé son autographe. « Je pense que je ne me suis jamais senti aussi populaire que présenteme­nt. »

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PHOTOS JEAN-FRANÇOIS DESGAGNÉS Sam Hamad dans le bureaux de Globatech, à Québec. On le voit en pleine discussion avec son collègue Roger Letellier. Sur les photos de droite, l’ex-homme politique en entrevue avec Le Journal, le 13 mars, à son actuel lieu de travail. Sur l’image au...
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