UNE PRIME DE 55 $ POUR SOIGNER UN AÎNÉ DE 85 ANS
Ce « supplément » de 45 $ à 55 $ est versé aux gériatres lorsqu’ils voient un patient de 85 ans et plus BUREAU D’ENQUÊTE
L’association des médecins gériatres, spécialisés dans le traitement des personnes âgées, songe à revoir un supplément que peuvent toucher ses membres chaque fois qu’ils voient... un patient plus âgé.
Après la « prime réunion », la « prime d’assiduité », le fameux « forfait jaquette », un autre supplément que touchent les médecins spécialistes pourrait bientôt être remis en question.
Inconnue du grand public, la prime pour les patients âgés permet aux gériatres de toucher de 45 $ à 55 $, en plus des honoraires de base, chaque fois qu’ils voient un patient de plus de 85 ans pour certains types d’examens.
Par exemple, dans le cas d’une consultation en clinique externe, le spécialiste pourra facturer les 240 $ habituels, auxquels s’ajoutera cette prime.
Ironiquement, les médecins gériatres sont spécialisés dans le traitement des patients les plus âgés. La moyenne d’âge de leurs patients est de 83 ans.
Le président de l’association des médecins gériatres du Québec, le Dr Serge Brazeau, reconnaît que ce « supplément » (c’est ainsi qu’il est nommé dans le manuel de facturation) peut soulever des questions.
« Je n’aime pas le terme supplément. Ça ne sonne pas de la bonne façon. On devrait être rémunéré en fonction de la difficulté des cas », dit le spécialiste à l’institut universitaire de gériatrie de Sherbrooke.
MALAISE
La prime pour patients âgés est entrée en vigueur en novembre 2009 au moment où le gouvernement et l’ensemble des médecins spécialistes avaient amorcé le rattrapage salarial.
Les effets de ce rattrapage ont d’ailleurs été spectaculaires, permettant aux spécialistes de voir leur salaire augmenter de plus de 50 % en moins de 10 ans.
Selon le Dr Brazeau, la création du supplément pour voir des patients âgés visait à reconnaître le fait qu’il est souvent plus complexe et plus long de traiter les gens qui ont au moins 85 ans.
Le spécialiste reconnaît toutefois qu’il s’agit d’un critère plutôt arbitraire. « Est-ce qu’on pourrait l’ajuster mieux ? Certainement. »
D’autres suppléments existent spécialement pour des cas lourds, par exemple lorsque le patient prend de nombreux médicaments ou s’il souffre de quatre maladies et plus.
LA PRÉSIDENTE RECULE
√ Au cours des derniers mois, notre Bureau d’enquête a dévoilé que les chirurgiens touchaient une prime lorsqu’un patient opéré était pris en charge avant 8 h le matin.
√ Nous avons également dévoilé l’existence d’une prime versée lorsqu’un spécialiste en médecine interne enfile une jaquette pour voir un patient en isolement.
La présidente de la Fédération des médecins spécialistes du Québec (FMSQ), Diane Francoeur, a d’ailleurs annoncé que ce « forfait jaquette » serait annulé dans le cadre de la nouvelle entente entre le gouvernement Couillard et les spécialistes.
De son côté, le Dr Brazeau soutient avoir passé en revue l’ensemble des codes d’actes facturés par ses membres.
« C’est rendu que les patients et leur famille nous regardent avec un drôle d’air. On est tous d’accord qu’il faut redorer notre blason. »
Selon lui, la FMSQ a demandé à ses associations de faire des propositions pour changer certains codes d’actes médicaux.
PLUS QUE LA MOYENNE
Il y a une vingtaine d’années, les gériatres étaient payés selon un tarif horaire.
Peu de médecins étaient tentés de pratiquer la gériatrie, notamment à cause du salaire en deçà de celui de bien d’autres spécialistes.
Depuis, les gériatres ont notamment obtenu d’être payés à l’acte.
Avec un salaire annuel moyen de 459 099 $, ils ont rattrapé et même dépassé la moyenne de rémunération des médecins spécialistes, qui s’établissait à 443 161 $ en 2015-2016.
Il reste tout de même des dizaines de postes de gériatres à pourvoir dans les hôpitaux, malgré la hausse de la demande liée au vieillissement de la population.