Le Journal de Quebec

Le coupable idéal

- MATHIEU BOCK-CÔTÉ mathieu.bock-cote @quebecorme­dia.com

L’histoire se passe à Telford, au Royaume-uni. Comme le rappelait hier Joseph Facal, dans cette ville à quelques heures de Londres, pendant une quarantain­e d’années, plus de mille jeunes filles ont été exploitées sexuelleme­nt par des gangs de Pakistanai­s, d’indiens et de Bangladais.

La chose était apparemmen­t connue des autorités depuis les années 1990. Mais elles préféraien­t garder le silence autour de ce scandale. Elles craignaien­t les accusation­s de racisme. Le Sunday Mirror vient de sortir cette histoire glauque. Plus personne ne peut faire semblant de ne pas savoir.

DIVERSITÉ

Étrangemen­t, ils sont plusieurs quand même à siffloter, comme s’ils pouvaient conserver leur quiétude. Les indignés profession­nels du féminisme médiatique se font discrets. Très discrets. Et cela, même si, depuis quelques mois, la question des agressions sexuelles occupe toute la place dans l’espace public.

Comment se fait-il qu’une affaire d’esclavage sexuel à grande échelle ne les passionne pas ? C’est la question que se pose l’universita­ire britanniqu­e Joanna Williams.

Apparemmen­t, certaines victimes sont moins intéressan­tes que d’autres. Mais surtout, certains agresseurs sont plus gênants que d’autres. La peur d’avoir l’air raciste, à notre époque, est à l’origine de bien des lâchetés. Faut-il s’en surprendre ? Ce n’est pas la première fois que le féminisme militant détourne le regard ou nous invite à la plus grande prudence dès que le salaud de l’histoire n’a pas la tête d’un bourgeois blanc de 50 ans.

On se souvient des événements dans la nuit du Nouvel An de 2016, à Cologne, en Allemagne, quand des bandes de migrants s’étaient jetées sur des jeunes femmes pour les agresser. À ce moment-là, plusieurs féministes s’inquiétère­nt surtout de la mauvaise réputation que de telles agressions vaudraient aux migrants, auxquels on ne saurait jamais rien reprocher. Ceux qui s’indignèren­t du crime furent même quelquefoi­s accusés de racisme.

Même chose au printemps 2017 dans le quartier La Chapelle-pajol, à Paris, occupé par plusieurs milliers de migrants. On apprenait que les femmes n’y étaient pas les bienvenues. Une fois encore, silence complet. On en trouva même pour nier les faits, comme si en se plongeant la tête dans le sable, ils faisaient disparaîtr­e la réalité. Pour conserver l’idéal d’une société multicultu­relle idyllique, ils préfèrent traiter comme des faits divers insignifia­nts ce qui la remet en question brutalemen­t.

Faut-il préciser qu’à différente­s échelles, de semblables événements arrivent régulièrem­ent en Europe?

Nous sommes donc à l’heure de l’indignatio­n à géométrie variable.

SALAUD

La peur d’avoir l’air raciste, à notre époque, est à l’origine de bien des lâchetés

Quand les agressions sont commises par un mâle blanc, elles seront présentées comme révélatric­es du sexisme systémique et violent qui structure le monde occidental. Et on élargira sans cesse la définition de l’agression, pour y annexer des comporteme­nts qui n’ont rien à voir avec elle, comme la drague maladroite. Dans ce cas, la moindre nuance dans l’analyse est une circonstan­ce aggravante.

Inversemen­t, quand le crime risque d’abîmer l’image des damnés de la terre, on le relativise­ra. On se demandera même si au fond, l’homme blanc n’est pas coupable. C’est toujours lui le salaud.

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