Une réforme qui plaît à personne
Le gouvernement Trudeau souhaite mieux contrôler les armes à feu au pays
OTTAWA – Trop timide pour les uns et inutile pour les autres. La très attendue réforme du gouvernement Trudeau pour contrôler les armes à feu au pays soulève la colère autant des groupes anti-armes que des amateurs de fusils et des armuriers.
« Nous sommes extrêmement déçus, tranche sans ambages la porte-parole du regroupement Polysesouvient, Heidi Rathjen. Les libéraux ont vraiment fait le minimum et de manière très habile pour faire semblant qu’ils agissent vraiment. »
Le ministre de la Sécurité publique, Ralph Goodale, a présenté mardi un projet de loi assurant un encadrement plus strict des armes à feu, afin, dit-il, de lutter contre la montée fulgurante des crimes commis avec des fusils. Voyant venir les coups, M. Goodale a soutenu que sa réforme est « sensée » et « équilibrée ».
« Il y aura ceux qui diront que ce n’est pas assez. Il y en aura d’autres qui diront exactement le contraire, que ça va trop loin », s’est-il défendu.
REGISTRE
La réforme proposée impose de nouvelles responsabilités aux armuriers, qui auront l’obligation de tenir à jour un registre de leur inventaire, des transactions, et de l’identité des acheteurs.
Les données de ce registre seront accessibles à la police à condition qu’elle obtienne un mandat. Les vendeurs privés qui transigent sur le site web Kijiji, par exemple, ne sont pas touchés par cette mesure.
« Le gouvernement devrait s’attaquer à la vraie criminalité et laisser le bon monde en paix », s’insurge Rudy Venditelli, de la boutique montréalaise Dante Sports.
Mais pour Mme Rathjen, le gouvernement Trudeau rate complètement la cible en imposant l’obtention d’un mandat. « Ils mettent des bâtons dans les roues des policiers et ce n’est pas nécessaire », croit-elle.
FARDEAU
Les acheteurs devront de leur côté présenter obligatoirement leur permis lors de l’achat et leurs antécédents à vie seront scrutés à la loupe. Yves Charron, le copropriétaire du Club de tir de l’outaouais, croit que ces mesures s’ajouteront inutilement au fardeau administratif des détenteurs d’armes légales. « Un registre pour les commerçants, on l’a déjà. Le gouvernement devrait se concentrer à lutter contre les armes du marché noir », croit M. Charron, qui enseigne les techniques de manutention d’armes pour les professionnels de la sécurité et pour les tireurs sportifs. Au Québec, les nouvelles mesures fédérales s’ajoutent au registre provincial récemment mis en oeuvre par le gouvernement Couillard. Les groupes qui militent en faveur d’un contrôle plus strict déplorent aussi que des armes utilisées dans des massacres hautement médiatisés aux États-unis resteront légales au Canada, comme le AR-15. Le dépôt du projet de loi libéral réveille un vieux débat sur le contrôle des armes à feu, opposant les milieux ruraux et urbains. Au sein même du caucus libéral, certains craignent que le projet de loi compromette leur chance de réélection.