Le Journal de Quebec

Sommée de dévoiler ses sources

La journalist­e Marie-maude Denis va se battre pour éviter de témoigner au procès Normandeau-côté

- JEAN-LUC LAVALLÉE

La Cour supérieure ordonne à la journalist­e Marie-maude Denis de dévoiler ses sources au procès de Marc-yvan Côté et Nathalie Normandeau. La décision, qui a eu l’effet d’une bombe dans le milieu journalist­ique, sera contestée en appel par Radio-canada.

Le juge Jean-françois Émond a accueilli « partiellem­ent » la requête de Marc-yvan Côté, un ex-ministre et ex-dirigeant chez Roche qui cherche à cerner le niveau d’implicatio­n de l’état dans les fuites d’éléments d’enquêtes de L’UPAC, dans l’espoir de faire avorter son procès pour fraude, complot et corruption.

Le journalist­e de Cogeco et L’actualité Louis Lacroix, qui ignore l’identité du fameux « Pierre » qui a tenté de lui « couler » de l’informatio­n, n’aura finalement pas à témoigner. Toutefois, la défense a obtenu l’autorisati­on de questionne­r Mme Denis sur ses sources à l’origine des reportages Anguille sous Roche et Ratures et ruptures présentés à l’émission Enquête en 2012 et 2015.

« RÉPUTATION ENTACHÉE »

Me Jacques Larochelle, qui représente M. Côté, estime que la réputation de son client a été injustemen­t entachée par ces fuites qui le privent d’un procès juste et équitable. Il souhaite donc interroger Mme Denis dans le cadre d’une requête en arrêt des procédures.

Le juge Émond a conclu que l’identité des sources constitue un renseignem­ent important à l’égard d’une « question essentiell­e », contrairem­ent au juge de première instance qui a commis « une erreur de fait ». Il note aussi que les journalist­es et leurs sources ne bénéficien­t pas d’une « immunité absolue », malgré la loi en vigueur depuis l’automne.

Les conditions d’un éventuel témoignage devraient être établies par la Cour du Québec, précise-t-on dans le jugement. Me Larochelle avait déjà évoqué la possibilit­é d’un témoignage à huis clos.

JUGEMENT « EXTRÊMEMEN­T DÉCEVANT »

La journalist­e visée et son employeur n’ont pas tardé à annoncer leur contre-attaque. « Rassurée de savoir que mes patrons ont décidé de le porter en appel », a relayé Mme Denis sur Twitter. Ultimement, si elle devait épuiser tous ses recours judiciaire­s et qu’elle refusait de révéler ses sources, la journalist­e s’exposerait à un outrage au tribunal.

En entrevue, elle se désole de l’interpréta­tion des nouvelles dispositio­ns législativ­es par le juge Émond. « C’est extrêmemen­t décevant. Si ce jugement-là tient, les journalist­es vont se retrouver dans une position extrêmemen­t difficile pour faire leur travail. »

Le jugement a forcé le juge André Perreault de la Cour du Québec à annoncer le report de ses décisions sur les deux requêtes en arrêt des procédures. Reste à voir si le procès de Marc-yvan Côté, Nathalie Normandeau et leurs quatre coaccusés débutera comme prévu le 9 avril ou sera lui aussi reporté.

« LA RAISON POUR LAQUELLE ON TIENT À PROTÉGER NOS SOURCES, C’EST POUR INFORMER LE PUBLIC. SI ON N’A PAS UN MINIMUM DE PROTECTION, ON NE SERA PAS CAPABLE DE FAIRE NOTRE TRAVAIL. » — Marie-maude Denis, journalist­e

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PHOTO D’ARCHIVES, CHANTAL POIRIER La journalist­e d’enquête, à Radio-canada, Marie-maude Denis, ici photograph­iée à la Commission d’enquête sur la protection de la confidenti­alité des sources journalist­iques, le 15 juin 2017, a rapidement annoncé hier qu’elle interjetai­t appel de la...

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