Le Journal de Quebec

VICTIME DE L’ARRÊT JORDAN

Elle veut poursuivre Québec après la libération de son présumé agresseur

- NICOLAS SAILLANT

Après avoir vu son beau-père être libéré des accusation­s d’agressions sexuelles en vertu de l’arrêt Jordan, une femme accepte maintenant de sortir publiqueme­nt pour inciter les autres victimes de délais déraisonna­bles à s’inscrire avec elle à un recours collectif afin de poursuivre le Directeur des poursuites criminelle­s et pénales (DPCP).

Alléguant avoir été agressée sexuelleme­nt de 14 à 22 ans par son beau-père qui se présentait comme « l’ange Daniel », Joannie Verreault estime n’avoir jamais obtenu justice. En raison d’un délai de 75 mois jugé déraisonna­ble par l’arrêt Jordan, son beau-père, Michel Mercier, a vu les accusation­s tomber.

« Insultée » par cette décision, Joannie refuse maintenant d’en rester là. Fort de la poursuite intentée par Isabelle Levesque contre le DPCP ( voir autre texte), la jeune femme a fait lever l’ordonnance de non-publicatio­n qui interdisai­t de dévoiler son nom afin de se lancer dans une nouvelle bataille judiciaire à visage découvert, cette fois, contre le DPCP avec une poursuite civile.

VICTIME DU DPCP

L’avocat Marc Bellemarre qui assiste Joannie dans son combat rappelle que le responsabl­e de ce cafouillag­e judiciaire n’est pas l’arrêt Jordan, mais le Directeur des poursuites criminelle­s et pénales. « Ce n’est pas à cause de Jordan que l’accusé s’en sort, ce n’est pas vrai. C’est à cause de la négligence du DPCP à mener à bien des accusation­s. »

« Si on se tait, ils ne changeront jamais, si on lève la main et que d’autres personnes lèvent la main sur les injustices, c’est là qu’ils vont bouger », fait valoir Joannie.

Selon Me Bellemare, « le procureur général est responsabl­e d’une deuxième agression, lorsqu’on abandonne la victime et qu’il n’y a pas de reconnaiss­ance judiciaire ». Il tient cependant à faire la distinctio­n entre le travail des procureurs individuel­lement, puisque le syndicat demande régulièrem­ent plus de moyens, et l’institutio­n du DPCP.

MASSE CRITIQUE

Malgré la difficulté du processus, Joannie souhaite se faire la porte-parole des victimes de Jordan. « On va se tenir ensemble, c’est la beauté de la chose. Ça nous permet de nous lever debout et de dire on y va », plaide-t-elle afin de convaincre d’autres victimes de se joindre à elle.

Isabelle Levesque ne pourra quant à elle se joindre au recours collectif vu son indemnisat­ion de 2014. Mais à la suite de son expérience, elle encourage les victimes à suivre Joannie dans cette bataille. « La procédure civile, c’est bien plus facile que le criminel. Moralement, on ne se bat pas contre une personne, on se bat contre une institutio­n », lance-t-elle.

Marc Bellemare souhaite donc une mobilisati­on suffisante pour atteindre une masse critique permettant de lancer la procédure et invite les victimes à se manifester en communiqua­nt avec son cabinet.

Le DPCP a refusé d’aider Joannie Verreault dans sa démarche pour lever l’ordonnance de non-publicatio­n sur son nom. La victime a dû préparer sa requête pour annuler l’ordonnance de non-publicatio­n sans l’aide d’un avocat et se présenter d’abord devant la Cour du Québec. Le procureur du DPCP a cependant refusé de donner la juridictio­n au juge de la Cour du Québec, forçant Joannie à s’adresser, encore une fois seule, à la Cour supérieure.

 ??  ??
 ?? PHOTO ANNIE T. ROUSSEL ?? Joannie Verreault veut maintenant avoir réparation pour le crime qu’elle a dénoncé. Elle estime n’avoir jamais obtenu justice.
PHOTO ANNIE T. ROUSSEL Joannie Verreault veut maintenant avoir réparation pour le crime qu’elle a dénoncé. Elle estime n’avoir jamais obtenu justice.
 ??  ??
 ??  ?? MARC BELLEMARRE Avocat
MARC BELLEMARRE Avocat

Newspapers in French

Newspapers from Canada