Le Journal de Quebec

Le CH, un monument national

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On était sur la grande terrasse à l’arrière de l’hôtel de ville avec le maire Jean Drapeau et les dirigeants et les joueurs du Canadien. Mai 1976. Et les centaines de milliers de partisans qui avaient participé à la grande parade de la Coupe Stanley n’en avaient pas eu assez.

Ils étaient donc des dizaines de milliers entassés dans le Champ-de-Mars derrière l’hôtel de ville.

Le président du Canadien, Me Jacques Courtois, était tourné vers la foule houleuse et joyeuse qui hurlait en voyant Guy Lafleur ou Serge Savard venir la saluer.

« Vous savez, les vrais propriétai­res du Canadien, ce sont eux. Les propriétai­res, c’est la population. C’est l’équipe de tout le peuple », avait-il lancé dans un moment d’émotion.

C’est avec cette envolée que j’avais fait la manchette dans La Presse du lendemain. Je ne me rappelle pas si Bertrand Raymond et Yvon Pedneault avaient fait de même dans Le Journal de Montréal et dans le Montréal-Matin, mais j’avais trouvé que Me Courtois avait frappé la note juste. Le Canadien était l’équipe du peuple. À six mois d’une élection où le peuple allait élire René Lévesque et le Parti québécois.

L’ÉQUIPE DU PEUPLE

C’est douloureux de le constater mais le Canadien n’appartient plus au peuple. On a tout fait pour l’éloigner des gens ordinaires. On l’offre packagé et soigneusem­ent mis en marché grâce à la télévision et les réseaux sociaux mais il n’appartient plus au peuple. De toute façon, il n’a plus les moyens d’assister à ses matchs.

Mais ils sont maintenant très nombreux à être ulcérés par l’incompéten­ce de la direction de l’organisati­on, par cette infecte façon de se pousser des médias et des fans.

Curieuseme­nt, ce sont deux grands hommes d’affaires qui en moins d’une semaine ont repris les mêmes mots.

« Le Canadien, c’est plus qu’une business, le Canadien, c’est un monument national. Et Geoff Molson devrait réaliser qu’il n’est que le fiduciaire du CH. Il y a eu d’autres propriétai­res avant lui au cours des 110 dernières années et il y en aura d’autres après lui. La population ne fait que lui confier in trust son équipe. Il doit en prendre soin, il doit être prêt à faire les efforts pour que le Canadien demeure une grande équipe. Comme elle l’a toujours été ».

Autrement dit, ça fait mal de voir les pigeons chier sur le monument.

Que Louis de Mercier ou Bob de Lachenaie le disent à la radio, c’est une affaire. Que des puissants hommes d’affaires qui s’y connaissen­t en sports et qui aiment le Canadien depuis toujours le soutiennen­t avec force, ça mérite d’être pris au sérieux. Parce que c’est justement leur travail et leur passion de promouvoir et de vendre des produits.

Et pour eux, le CH ne peut pas être un produit comme les autres.

LE MÉNAGE PAS SEULEMENT SUR LA GLACE

Ces jours derniers, pour diverses raisons, ce sont surtout des gens d’affaires que j’ai croisés. Tous et toutes se demandent si Geoff Molson est capable de prendre des décisions draconienn­es si le besoin s’en fait sentir. Est-ce que son affection pour Marc Bergevin va l’empêcher d’agir ?

La plupart des gens qui connaissen­t Geoff Molson pensent qu’il va préférer le statu quo et qu’il sera incapable de trancher. Quitte à sacrifier des brebis pour apaiser la colère populaire quand va venir le temps du renouvelle­ment des abonnement­s de saison.

En fait, il y a un autre ménage à faire dans cette organisati­on. Le mensonge érigé en système, les banalités pour camoufler la vérité, tous ces coups fourrés qu’on passe aux partisans alors que ce sont eux qui crachent 200 millions par année pour des matchs de hockey sans âme et sans passion, toutes ces insultes à l’intelligen­ce du bon peuple doivent cesser.

Si Geoff Molson pense comme son prédécesse­ur Jacques Courtois et si c’est vrai que le Canadien appartient au peuple, alors qu’il exige que le départemen­t des communicat­ions, le KGB du Canadien, se comporte avec dignité.

Donald Beauchamp est-il celui qui impose le rideau de fer sur la Flanelle ou ne fait-il qu’exécuter les ordres que Marc Bergevin lui donne, je ne le sais pas. Je connais Donald depuis 30 ans et je sais qu’il peut être d’une redou- table efficacité. Mais depuis plusieurs années, je trouve que cette efficacité sert à éloigner le CH des médias et des partisans.

Pourtant, il aurait la crédibilit­é nécessaire pour influencer Geoff Molson et les autres fiduciaire­s de l’équipe. Pour contribuer à retourner l’équipe à ses partisans.

Ça presse plus qu’on le pense. Parce que des fois ça prend du temps à s’égarer en haut d’une piste glacée.

Mais quand ça se met à descendre, ça descend vite et longtemps.

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PHOTO D’ARCHIVES Des gens d’affaires se demandent si Geoff Molson est capable de prendre des décisions draconienn­es si le besoin s’en fait sentir.

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