Le Journal de Quebec

La lettre du tueur est « atypique »

« Quelque chose de plus gros » que des idées suicidaire­s ont mené Bissonnett­e à passer à l’acte, selon un psychologu­e

- SOPHIE CÔTÉ

Même si Alexandre Bissonnett­e a affirmé hier n’être « ni un terroriste ni un islamophob­e », il est « fort possible » que ce soit « une idéologie destructri­ce et très radicale » qui l’ait mené à commettre un tel massacre à la mosquée de Québec, estime le psychologu­e Hubert Van Gijseghem.

Pour l’expert, il est clair que la « forme horrible de désespoir », « les idées suicidaire­s », « l’obsession avec la mort » et « le démon » qui aurait eu le dessus sur lui et dont Bissonnett­e a fait état hier, dans une lettre lue devant le tribunal, ne peuvent expliquer un tel passage à l’acte.

« Ça ne tient pas debout, ça. C’est évident qu’il y a quelque chose de beaucoup plus gros dans son cas : soit sur le plan délirant [une pathologie de nature psychotiqu­e] ou sur le plan de son idéation idéologiqu­e, c’est-à-dire anti-islam ou islamophob­e », estime M. Van Gijseghem, qui mentionne que les auteurs de tuerie comme celle de la mosquée répondent normalemen­t à l’un ou l’autre de ces scénarios.

« C’est fort possible que ce soit présent [la radicalisa­tion], parce qu’il y a d’autres éléments également déjà dans son passé et ce qu’il avait déjà laissé entendre, qu’il n’aimait pas les immigrants, qu’il flirtait un peu avec certaines idées de Trump », rappelle le psychologu­e, qui doute fort, par ailleurs, que l’antidépres­seur (APO-PAroxétine) que Bissonnett­e prenait depuis peu lors du drame ait pu avoir un impact.

« FORT DOUTEUX »

Certains experts évoquaient hier que cet anxiolytiq­ue peut, dans les premières semaines, rendre plus suicidaire ou plus impulsif. « Ce serait fort douteux que ce médicament soit en quelque sorte responsabl­e de ce passage à l’acte, soumet M. Van Gijseghem. Il ne faut pas oublier que cette tuerie avait été préparée comme il faut. Ce n’est certaineme­nt pas un geste impulsif », analyse-t-il.

Reste que, pour le psychologu­e, la lettre du meurtrier, qui donne l’impression « de quelqu’un qui se sent coupable et très mal », est très « atypique » et représente tout « un paradoxe ».

« C’est comme si ce n’était pas le même homme. Il y a une discordanc­e, une incongruit­é quelque part qui, pour le psy que je suis, est difficilem­ent compréhens­ible », souligne-t-il.

« Parce que je sais que l’homme qui a agi il y a un an, soit il est aux prises avec une grave pathologie, soit est un idéologue très radicalisé. Et normalemen­t, l’un ou l’autre, ça ne change pas en un an ou deux », expose M. Van Gijseghem, qui se questionne à savoir si Bissonnett­e a écrit sa lettre seul.

NARCISSIQU­E ?

Pour sa part, l’ancien enquêteur à la Sûreté du Québec Paul Laurier, qui s’est intéressé lors d’un projet de thèse aux tueurs de masse, a été frappé par l’utilisatio­n du « je » dans la déclaratio­n du tireur, une caractéris­tique que M. Laurier a souvent relevée en analysant le profil d’autres tueurs de masse.

« Je ne suis pas médecin, mais la caractéris­tique m’a frappé. Cet individu-là a un taux de narcissism­e élevé, dit-il. Oui, il s’excuse auprès des victimes, mais c’est un paragraphe. Tout le reste, c’est lui, lui, lui », a-t-il soulevé.

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Alexandre Bissonnett­e risque une peine cumulative de 150 ans de prison pour avoir tué six hommes et attenté à la vie de quarante autres personnes à la grande mosquée de Québec, le soir du 29 janvier 2017. En...
PHOTOS D’ARCHIVES, FACEBOOK ET COURTOISIE : Le psychologu­e Hubert Van Gijseghem Alexandre Bissonnett­e risque une peine cumulative de 150 ans de prison pour avoir tué six hommes et attenté à la vie de quarante autres personnes à la grande mosquée de Québec, le soir du 29 janvier 2017. En...

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