Le Journal de Quebec

Les géants doivent protéger les faibles

- RICHARD MARTINEAU

La décision de Walmart de mettre brutalemen­t fin à son programme d’intégratio­n au travail des personnes handicapée­s a choqué plusieurs d’entre vous, et avec raison.

Après tout, on ne parle pas ici d’une PME qui tire le diable par la queue, mais d’un géant de la vente au détail.

Qu’est-ce que ça coûte à Walmart de donner du boulot à une poignée de personnes handicapée­s ?

N’est-ce pas le rôle des géants de protéger les plus faibles, les plus vulnérable­s ?

Une communauté protège ses membres les plus vulnérable­s…

FAIRE PARTIE DE LA GANG

Avant, chaque village avait son « fou ».

Son « Ti-coune », son gars pas trop vite… Tout le monde le connaissai­t. Il se promenait de maison en maison. Il allait manger une soupe ici, un carré aux dattes là… On l’accueillai­t avec chaleur. « Pis, Jean, qu’est-ce qui se passe, ces temps-ci ? As-tu vu, les fleurs commencent à pousser ! Es-tu content ? »

Tout le village s’occupait de son Jean. On l’invitait dans les fêtes, on prenait soin de lui… On s’arrangeait pour qu’il se sente aimé, protégé.

C’est ça, une communauté. On se tient. On prend soin les uns des autres.

Malheureus­ement, les temps ont changé, et pas pour le mieux, même si on se trouve plus évolués que nos grands-parents.

Aujourd’hui, on se dit : « C’est à ses parents de s’occuper de lui. Moi, j’ai pas le temps… »

On voit un handicapé intellectu­el traîner dans la rue, et on dit : « Coudonc, ils sont où, ses parents ? Ils font quoi ? »

« Ils ont voulu avoir un enfant handicapé ? Qu’ils s’en occupent ! »

LE MAUVAIS NUMÉRO

Dans le temps des Fêtes, je suis allé dans un tout-inclus dans le sud, avec ma blonde et notre fils.

Il y avait un couple avec leur enfant lourdement handicapé – physiqueme­nt et intellectu­ellement.

Ils étaient dans leur coin. À la plage, dans la piscine, au resto. Les gens les regardaien­t, mais n’osaient pas les approcher. Pas par malice, mais par malaise. On se sent coupable… D’être heureux, d’avoir des enfants en santé. De ne pas avoir tiré le mauvais numéro à la loterie de la vie.

De ne pas être aussi courageux ni aussi dévoués que ces parents…

Alors on fait comme s’ils n’étaient pas là.

On passe à côté et on regarde ailleurs.

Alors qu’avant, les parents d’enfants handicapés pouvaient compter sur l’aide du groupe, du village, de la communauté, aujourd’hui, ils sont seuls avec leur enfant.

Triste époque.

PLUS QU’UNE TOILETTE

On est rendus là, maintenant ? Tout ce qui nous intéresse, c’est notre confort ? Nos taxes, nos impôts ?

Les entreprise­s ne sont pas que des entreprise­s. Ce sont des membres à part entière de la communauté.

Elles aussi doivent s’impliquer, ouvrir les bras, faire un effort.

On est tous dans le même bateau. On coule ensemble ou on s’en sort ensemble.

C’est bien beau, réserver une toilette aux transgenre­s, c’est à la mode, c’est cool, mais il y a des besoins plus pressants en matière d’ouverture à la diversité.

Embaucher un handicapé, c’est lui permettre de devenir un citoyen à part entière.

C’est lui tirer une chaise, et lui dire : « Tu es des nôtres. »

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