Le Journal de Quebec

LE CHOC DES IDÉES

PLAIDOYER DE CULPABILIT­É D’ALEXANDRE BISSONNETT­E

- DOMINIQUE BOISVERT Dominique Boisvert est l’auteur de l’essai Non-violence, une arme urgente et efficace (Écosociété, 2017). Il habite à Scotstown.

« Si au moins, en plaidant coupable, je peux faire un peu de bien dans tout ça, alors ça sera déjà ça de fait. C’est pour ça que j’ai plaidé coupable devant vous. » – Conclusion du texte lu en cour par Alexandre Bissonnett­e,

le 28 mars 2018

Le Mal existe dans notre monde. Souvent horrible et irréparabl­e. Les nouvelles nous en donnent trop souvent des exemples. La tuerie à la mosquée de Québec, le 29 janvier 2017, en fait partie.

La présomptio­n d’innocence est un acquis précieux de notre droit criminel. Et le droit de se défendre, qu’on soit coupable ou non, est aussi un droit fondamenta­l. Alexandre Bissonnett­e a plutôt choisi de plaider coupable : c’est un geste qui l’honore et qui introduit un peu de lumière dans une tragédie par ailleurs terribleme­nt sombre.

LUMIÈRE ET OBSCURITÉ

Ce choix d’admettre et d’assumer son geste, aussi incompréhe­nsible qu’il soit toujours à ses propres yeux, est un acte de courage et un premier pas vers une rédemption. Car sur le plan humain comme sur le plan chrétien, contrairem­ent à ce que dit Alexandre Bissonnett­e dans son texte, tout geste est pardonnabl­e, même ce que nos réflexes humains jugent spontanéme­nt « impardonna­ble ». La non-violence nous apprend d’ailleurs, et c’est un patient apprentiss­age, à voir chez l’ennemi ou l’adversaire ce qu’il peut se cacher de bon en lui, à faire appel à ce qu’il a de meilleur, plutôt qu’à le figer dans ce qu’il nous montre de plus détestable.

Chacun de nous porte en lui du meilleur et du pire, de la lumière et de l’obscurité. Alexandre Bissonnett­e, dont plusieurs aimeraient faire un monstre ou un bouc émissaire (ce qui a l’avantage de nous éviter de nous questionne­r nous-mêmes), est un humain comme vous et moi, le fils de parents sans doute aussi dévoués et dévastés que nous le serions nous-mêmes à leur place. Un humain dont la trajectoir­e personnell­e a pris un tournant horribleme­nt tragique, pour lui comme pour toutes ses victimes innocentes, directes ou indirectes.

La populaire série Unité 9 nous en donnait, cette semaine même, un autre puissant exemple, fictif celui-là : comment l’enfant né d’un viol peut se révéler une source d’amour pour beaucoup, et donc comment la lumière peut surgir même des pires conditions de noirceur.

UN PAS VERS LE PARDON

Malgré son désir de « revenir dans le temps et de changer les choses », Alexandre Bissonnett­e devra vivre avec son geste « chaque minute de son existence ». Accepter de l’assumer pleinement, ouvertemen­t, devant ses très nombreuses victimes était pour lui la seule chose qu’il pouvait maintenant faire pour mettre un peu de baume et d’humanité sur les plaies vives qu’il a ouvertes.

Non, Alexandre, ton geste n’est pas impardonna­ble. Et en plaidant coupable, tu as fait le premier pas vers ce pardon. La communauté musulmane du Québec nous en a montré, depuis plus d’un an, le chemin difficile. Nous sommes maintenant invités, nous aussi, à l’accompagne­r sur ce chemin. Merci de nous en donner l’occasion et l’exemple.

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Chacun de nous porte en lui du meilleur et du pire, de la lumière et de l’obscurité.

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