Le Journal de Quebec

Mensonges budgétaire­s

- antoine.robitaille @quebecorme­dia.com

Je ne veux pas être cynique. Mais quand on se plonge dans certains dossiers, la tentation est forte.

Prenez les infrastruc­tures de transports. Leur santé s’est aggravée. Pour être « remises dans un état jugé au moins satisfaisa­nt », il faudrait y consacrer 14,7 milliards $, a-t-on appris à la présentati­on du budget mardi.

Pourtant, à chaque foutu budget auquel j’ai assisté depuis 2005, le ou la ministre des Finances nous promet la lune.

Le cinquième budget Leitao n’a pas dérogé à la règle. On nous a annoncé des dépenses de 100 milliards sur 10 ans. Au dire de Pierre Arcand, président du Conseil du trésor, c’est « l’effort le plus ambitieux jamais déployé » par un gouverneme­nt.

Puisqu’il contrôlera­it désormais sa dette (!), le Québec serait « en mesure de planifier à moyen terme la modernisat­ion de ses infrastruc­tures ». Je suis sceptique.

QUINZE ANS DE PROMESSES

Car depuis 15 ans au moins, dans les discours des gouverneme­nts, on a semblé se soucier de nos routes, écoles et hôpitaux !

Juin 2003 : Jean Charest, dans son premier discours d’ouverture, lance : « Nos infrastruc­tures se détérioren­t. » Elles auraient été « victimes de l’incapacité de l’état à cibler ses actions ». Il faut donc le « réorganise­r ». Notamment le MTQ...

Budget 2005-2006 : le ministre Michel Audet annonce une « nouvelle politique de maintien des actifs ». On consacrera annuelleme­nt « 2 % de la valeur de remplaceme­nt des infrastruc­tures de santé, de services sociaux et d’éducation pour les maintenir en bon état ». Selon le ministre, il faut y voir un « virage majeur qui permettra de contrer la détériorat­ion de nos infrastruc­tures observée depuis une dizaine d’années ».

Budget 2007-2008, Monique Jérôme-forget remonte plus loin encore : « Depuis des décennies, les différents gouverneme­nts […] ont négligé l’entretien », déplore-t-elle. Elle confie être « gênée » par « le degré de dégradatio­n de nos bâtiments », mais promet de « changer cela » : « Je veux que nos routes soient comparable­s à celles de nos voisins. Je veux que nos infrastruc­tures, qui sont parfois aujourd’hui source d’embarras, soient demain source de fierté. » On y consacrera donc 30 milliards en cinq ans.

C’EST LE DÉBUT D’UN TEMPS NOUVEAU...

En octobre 2007, elle dépose le projet de loi favorisant la gestion rigoureuse des infrastruc­tures publiques. « L’époque où on assistait au dépérissem­ent de nos infrastruc­tures est bel et bien terminée », certifie-t-elle.

Budget 2008-2009 : Mme Jérôme-for- get dit avoir hâte que ses petits enfants soient « grands » afin qu’ils comprennen­t qu’elle a fait partie d’une « équipe […] qui a remis à neuf les infrastruc­tures ».

2010-2011 : nouveau ministre, même reproche : « L’entretien a pris du retard au cours des trois dernières décennies », affirme Raymond Bachand. Il crée le « Fonds des infrastruc­tures routières et de transport en commun », y verse la taxe sur l’essence qu’il hausse d’un sou le litre par année pendant trois ans.

Qui le félicite ? Le maire de Laval de l’époque, Gilles Vaillancou­rt, depuis accusé de fraude, complot et abus de confiance. Il était alors président d’une « Coalition pour le renouvelle­ment des infrastruc­tures du Québec », qui avait fait du lobbying auprès du gouverneme­nt.

DEUX HYPOTHÈSES

Après ce rapide retour en arrière, deux hypothèses : a) 30 900 km de route, c’est peut-être trop d’entretien pour notre capacité financière. Or, sous Jean Charest, les prolongeme­nts se sont multipliés. Philippe Couillard aussi en promet plusieurs. Les autres partis feront sans doute de même. b) L’explosion des dépenses en infrastruc­tures a coïncidé avec l’époque « glorieuse » du financemen­t sectoriel des partis. En parallèle, fin des années 1990 et début 2000, le ministère des Transports perdait beaucoup d’expertise, le rendant « vulnérable aux stratagème­s de collusion et de corruption », pour reprendre les mots de la commission Charbonnea­u. Le gouverneme­nt Couillard a promis de renverser la vapeur et a créé l’autorité des marchés publics. Espérons que cela aidera. Car je ne veux pas être cynique.

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« L’époque où on assistait au dépérissem­ent de nos infrastruc­tures est bel et bien terminée », certifiait la ministre des Finances, Monique Jérôme-forget, en 2007.

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