Le Journal de Quebec

L’injustice de la justice

Notre société et ses lois n’ont aucune pertinence si on ne peut pas s’accrocher à l’idée qu’on a tous droit à la justice.

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C’est pendant mes vacances dans le sud la semaine dernière que j’ai appris qu’il n’y aura pas d’accusation criminelle contre le conducteur responsabl­e du décès du jeune cycliste Clément Ouimet. Pour ceux qui n’étaient pas au courant, Clément était l’amoureux de ma fille Livia depuis plus de deux ans.

Immédiatem­ent, mon cellulaire s’est mis à sonner pour des demandes d’entrevues. On voulait connaître ma réaction. J’ai dit la même chose à tout le monde : « Je veux digérer la nouvelle avant de m’exprimer, car j’ai comme un feeling que je risque de regretter certaines paroles. »

Vous devinez que la rage était au rendez-vous, avec un mélange d’incompréhe­nsion et de tristesse. Je me

suis dit : une fois encore, la justice nous laisse tomber.

L’homme qui a tué Clément est probableme­nt une bonne personne, un bon père de famille. Mais peu importe. Il a commis une infraction qui a causé la mort. Et si je comprends bien, la conclusion de l’enquête, c’est : « Y’a pas fait exprès, donc on n’ira pas plus loin. »

On envoie un message clair : tuer quelqu’un, ce n’est pas si grave que ça. Je n’arrive pas à l’interpréte­r différemme­nt. Je pourrais dire que notre système de justice est une vraie joke, mais vous le savez déjà. Après tout, on a eu besoin de deux procès pour reconnaîtr­e Guy Turcotte coupable.

UN SYSTÈME DÉFAILLANT

J’ai l’impression qu’on regarde le train des bons principes passer en espérant qu’une bonne idée en tombe. Et quand ça arrive, on l’observe comme une gang de Cro-magnon qui voit du feu pour la première fois.

Notre société et ses lois n’ont aucune pertinence si on ne peut pas s’accrocher à l’idée qu’on a tous droit à la justice.

Notre système de justice est indifféren­t aux victimes et manque de volonté. Le message qu’il nous envoie, c’est que nos vies ne valent pas tout le travail nécessaire pour condamner quelqu’un. On nous a abandonnés.

Pour les politicien­s, nous ne sommes qu’un X sur un bout de papier permettant de les élire. Nous ne sommes que des votes potentiels sur deux petites pattes sans visage.

Je constate qu’on peut balayer l’existence de quelqu’un aussi facilement qu’on supprime un compte Facebook, en un clic.

ET NOUS ?

Je sais que l’homme qui a tué Clément a déjà, en quelque sorte, une sentence. Il devra vivre toute sa vie avec ce qu’il a fait. Les images et le son de l’impact risquent de lui donner des cauchemars pendant longtemps. Mais dans sa peine, il pourra se consoler en prenant ceux qu’il aime dans ses bras. De notre côté, lorsque la peine nous poussera aux cris et aux larmes, personne ne pourra se consoler en prenant Clément dans ses bras… Elle est là, la vraie injustice.

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