Témoignera ou témoignera pas ?
On a appris cette semaine que Donald Trump est considéré non pas comme une « cible » de l’enquête sur l’affaire russe, mais comme un sujet. Le président s’en serait réjoui et il brûle maintenant d’exposer sa version des faits au procureur Mueller. Trump joue très gros.
Je suis assez âgé pour me rappeler un temps où on disait qu’il fallait absolument éviter d’élire Hillary Clinton présidente, car elle deviendrait vraisemblablement sujette à une enquête sur son serveur de courriel privé.
Aujourd’hui, c’est Donald Trump qui est président et il est sujet d’une enquête sur les liens entre sa campagne et des agents russes déjà formellement accusés d’interventions illégales dans la campagne présidentielle de 2016.
Cette affaire pourrait dépasser en importance l’affaire du Watergate, qui a entraîné la chute de Richard Nixon en 1974, rien de moins.
SUJET OU CIBLE ?
Étonnamment, Trump se serait dit plutôt heureux de n’être que sujet d’une enquête, car ça aurait pu être bien pire.
Être sujet est moins pire qu’être une « cible », ce qui signifierait que le procureur pense avoir assez de preuves pour obtenir une condamnation, mais un sujet est plus qu’un simple témoin.
Cette désignation signifie qu’il est soupçonné d’activités illégales, mais que le procureur considère que les preuves disponibles ne sont pas entièrement concluantes.
Rien n’empêcherait Trump de passer de « sujet » à « cible » en cours d’enquête, toutefois.
L’enquête Mueller a déjà donné lieu à plusieurs accusations cri- minelles et à plusieurs plaidoyers de culpabilité, alors il n’y a plus vraiment lieu de balayer l’affaire du revers de la main.
À ce jour, l’équipe du procureur spécial a épluché des tonnes de documents liés aux multiples liens, financiers et autres, entre Donald Trump, son entourage et la Russie. Les quelques fuites sur leurs trouvailles laissent croire qu’il aura amplement de matière à poursuites lorsque l’enquête sera conclue.
ENTRE L’ARBRE ET L’ÉCORCE
Donald Trump, impatient de voir la fin de l’enquête, souhaite en découdre avec le procureur Mueller.
Sa décision de témoigner ou non est extrêmement délicate. Politiquement, il est évident qu’un refus de participer serait dommageable. Trump agit depuis longtemps comme quelqu’un qui a quelque chose à cacher, et un refus de témoigner cimenterait cette perception dans l’opinion.
Un témoignage serait néanmoins très risqué. L’équipe légale de Trump est en lambeaux et ses avocats ne pourront jamais égaler la préparation de l’équipe Mueller sur des dossiers d’une complexité byzantine.
Ensuite, Donald Trump est connu pour sa propension à malmener les faits et le moindre écart entre ses déclarations et les faits collectés par Mueller entraînerait des accusations de parjure qui pourraient mener à sa destitution. Trump tentera de fixer des balises strictes à cet interrogatoire, mais il ne pourra pas en contrôler tous les paramètres. Est-ce que l’affaire russe sonnera le glas de la présidence Trump ? C’est loin d’être certain, mais chaque nouveau développement rend cette issue un peu plus probable.