UN PROJET MONSTRUEUX ET INQUIÉTANT
Un demi-milliard $ en informatique à la SAAQ
Trois ans après que Québec a promis de réduire sa dépendance aux consultants informatiques externes, la SAAQ a embauché pas moins de 200 consultants pour mener à terme un mégaprojet d’un demi-milliard de dollars, une situation qui soulève de l’inquiétude à l’interne.
Avec un budget initial de 458 M$, le nouveau « Carrefour des services d’affaires » (CASA) de la Société d’assurance automobile du Québec doit coûter 85 $ par titulaire de permis de conduire québécois.
Le chantier – le deuxième plus important de l’histoire du Québec – mènera à une refonte complète de l’informatique de la SAAQ. Il doit permettre d’offrir de nouveaux services en ligne aux usagers.
Notre Bureau d’enquête a toutefois appris que plusieurs observateurs de l’interne doutent que ce mégaprojet puisse être complété sans une explosion des coûts et des délais.
Au moins quatre employés, dont deux au coeur du projet, ont abandonné le navire au cours des derniers mois. Parmi les éléments qui inquiètent, nos sources citent :
√ L’échec passé du grand patron de l’informatique de la SAAQ dans un projet semblable chez Hydro-québec et la présence de plusieurs de ses anciens collaborateurs ; √ Le recours massif aux firmes externes ; √ La sous-traitance d’une partie du projet en Inde ; √ L’historique de difficultés d’implantation de ce type de logiciel chez plusieurs grandes entreprises.
ARMÉE DE CONSULTANTS
En plus des 200 employés à l’interne qui travaillent sur le projet, la SAAQ confirme avoir dû recourir aux services de 200 consultants externes pour mener le projet à terme.
Cette décision a été prise malgré la volonté de Québec de s’éloigner de cette voie. En 2015, Martin Coiteux, alors président du Conseil du Trésor, parlait même d’un véritable chantier « de la réduction de notre dépendance aux consultants externes. »
Pour expliquer ce recours massif aux consultants, la SAAQ fait valoir qu’elle manquait d’expertise parmi ses employés.
« Nous n’avions pas parmi nos équipes l’expertise nécessaire pour mener à bien de tels projets, dit le porte-parole, Gino Desrosiers. On essaie de corriger ça en demandant d’assurer un transfert d’expertise pour qu’à la fin du contrat, on soit en mesure d’assurer les suivis. »
PROPICE AUX EXCÈS
Le vice-président aux technologies de l’information de la SAAQ, Karl Malenfant, a déjà piloté un projet semblable chez Hydro-québec.
Qualifié à l’époque de « fiasco », le projet s’est terminé avec des dépassements de coûts frôlant les 50 % et un recours collectif qui pourrait coûter 65 M$ à Hydro, un scénario que craignent de revivre nos sources à la SAAQ.
Une experte craint aussi les dérapages. « Oui, c’est propice à des dépassements de coûts et de délais. Il faut se croiser les doigts pour ne pas que ce soit un échec total, parce qu’on en a déjà vécu, au gouvernement, des entreprises d’implantation qui ont été complètement ratées », dit Marie-christine Roy, de l’université Laval.
Selon elle, l’aspect « très carré » de tels logiciels complique le défi. « C’est ce qui fait que les implantations causent toujours des problèmes », ajoute Mme Roy, qui dit malgré tout faire confiance aux dirigeants de la SAAQ.