Le Journal de Quebec

UN PROJET MONSTRUEUX ET INQUIÉTANT

Un demi-milliard $ en informatiq­ue à la SAAQ

- PIERRE-PAUL BIRON

Trois ans après que Québec a promis de réduire sa dépendance aux consultant­s informatiq­ues externes, la SAAQ a embauché pas moins de 200 consultant­s pour mener à terme un mégaprojet d’un demi-milliard de dollars, une situation qui soulève de l’inquiétude à l’interne.

Avec un budget initial de 458 M$, le nouveau « Carrefour des services d’affaires » (CASA) de la Société d’assurance automobile du Québec doit coûter 85 $ par titulaire de permis de conduire québécois.

Le chantier – le deuxième plus important de l’histoire du Québec – mènera à une refonte complète de l’informatiq­ue de la SAAQ. Il doit permettre d’offrir de nouveaux services en ligne aux usagers.

Notre Bureau d’enquête a toutefois appris que plusieurs observateu­rs de l’interne doutent que ce mégaprojet puisse être complété sans une explosion des coûts et des délais.

Au moins quatre employés, dont deux au coeur du projet, ont abandonné le navire au cours des derniers mois. Parmi les éléments qui inquiètent, nos sources citent :

√ L’échec passé du grand patron de l’informatiq­ue de la SAAQ dans un projet semblable chez Hydro-québec et la présence de plusieurs de ses anciens collaborat­eurs ; √ Le recours massif aux firmes externes ; √ La sous-traitance d’une partie du projet en Inde ; √ L’historique de difficulté­s d’implantati­on de ce type de logiciel chez plusieurs grandes entreprise­s.

ARMÉE DE CONSULTANT­S

En plus des 200 employés à l’interne qui travaillen­t sur le projet, la SAAQ confirme avoir dû recourir aux services de 200 consultant­s externes pour mener le projet à terme.

Cette décision a été prise malgré la volonté de Québec de s’éloigner de cette voie. En 2015, Martin Coiteux, alors président du Conseil du Trésor, parlait même d’un véritable chantier « de la réduction de notre dépendance aux consultant­s externes. »

Pour expliquer ce recours massif aux consultant­s, la SAAQ fait valoir qu’elle manquait d’expertise parmi ses employés.

« Nous n’avions pas parmi nos équipes l’expertise nécessaire pour mener à bien de tels projets, dit le porte-parole, Gino Desrosiers. On essaie de corriger ça en demandant d’assurer un transfert d’expertise pour qu’à la fin du contrat, on soit en mesure d’assurer les suivis. »

PROPICE AUX EXCÈS

Le vice-président aux technologi­es de l’informatio­n de la SAAQ, Karl Malenfant, a déjà piloté un projet semblable chez Hydro-québec.

Qualifié à l’époque de « fiasco », le projet s’est terminé avec des dépassemen­ts de coûts frôlant les 50 % et un recours collectif qui pourrait coûter 65 M$ à Hydro, un scénario que craignent de revivre nos sources à la SAAQ.

Une experte craint aussi les dérapages. « Oui, c’est propice à des dépassemen­ts de coûts et de délais. Il faut se croiser les doigts pour ne pas que ce soit un échec total, parce qu’on en a déjà vécu, au gouverneme­nt, des entreprise­s d’implantati­on qui ont été complèteme­nt ratées », dit Marie-christine Roy, de l’université Laval.

Selon elle, l’aspect « très carré » de tels logiciels complique le défi. « C’est ce qui fait que les implantati­ons causent toujours des problèmes », ajoute Mme Roy, qui dit malgré tout faire confiance aux dirigeants de la SAAQ.

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PHOTO JEAN-FRANÇOIS DESGAGNÉS En plus des 200 employés à l’interne qui travaillen­t sur le projet CASA, la Société de l’assurance automobile du Québec (dont on voit le siège social sur le boulevard Jean-lesage à Québec) a fait appel à 200 consultant­s externes pour faire avancer ce...
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MARIE-CHRISTINE ROY Professeur­e, Université Laval

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