Le Journal de Quebec

DÉJÀ DES PRÉOCCUPAT­IONS

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LES ANCIENS COLLÈGUES DU VICE-PRÉSIDENT EMBAUCHÉS

Le vice-président aux technologi­es de l’informatio­n de la SAAQ a déjà piloté un projet de la firme SAP à l’époque où il était patron du départemen­t informatiq­ue d’hydro-québec, de 2002 à 2008.

Qualifié à l’époque de « fiasco », le projet de « Système d’informatio­ns client » s’est terminé avec des dépassemen­ts de coûts frôlant les 50 % et un recours collectif qui pourrait coûter 65 M$ à Hydro.

Malgré cet échec, la SAAQ a choisi d’y aller de la même technologi­e et de confier les clés du projet au même dirigeant, une décision éclairée, assure-t-on.

« On le sait qu’il y a des historique­s de projets informatiq­ues qui ont déraillé, mais le but ici est d’entrer le train en gare à l’heure prévue et aux coûts prévus », explique le porte-parole Gino Desrosiers, précisant qu’un auditeur externe suivait le projet à la trace.

Plusieurs anciens acolytes de M. Malenfant, dont quatre qui sont « leaders adjoints » au nouveau projet, ont aussi été embauchés par la société.

Quatre autres de ses anciens collaborat­eurs chez Hydro-québec ou R3D Conseil, où M. Malenfant a été vice-président de 2011 à 2013, ont quant à eux obtenu de généreux contrats de 1,2 M$ pour des « services-conseils ».

La SAAQ assure toutefois que Karl Malenfant « n’a jamais été impliqué de près ou de loin » dans ces sélections.

« Il a joué un rôle dans la définition des besoins. La sélection, elle a été faite par des comités neutres et indépendan­ts », explique M. Desrosiers, qui a répondu aux questions du Journal alors qu’une entrevue avec le vice-président avait été demandée.

UNE PARTIE DU PROJET DÉVELOPPÉE EN INDE

Les contribuab­les québécois qui paient pour le nouveau système informatiq­ue de la SAAQ voient une partie de leur argent s’envoler pour l’inde, où une quinzaine de travailleu­rs « sont complèteme­nt dédiés à CASA ».

« Je suis un employé de la SAAQ, mais je suis aussi un contribuab­le et je trouve ça épouvantab­le que notre argent s’en aille à l’étranger de cette façon », racontait un employé qui s’est confié à notre Bureau d’enquête. La pratique n’est tellement pas courante, au gouverneme­nt, qu’un soumission­naire au dossier se questionna­it sur cette possibilit­é.

Ce dernier a demandé au cours de l’appel d’offres si la SAAQ allait réellement permettre le travail à l’étranger puisque des « pressions politiques et/ou sociales » faisaient habituelle­ment reculer le gouverneme­nt sur ces façons de faire.

Autre irritant pour les employés à l’in-

terne, le décalage horaire ne leur permet de parler à leurs « collègues » indiens qu’en début de journée, ce qui complique l’organisati­on du travail, nous dit-on.

BUREAUX NEUFS POUR ACCUEILLIR LES CONSULTANT­S

Les consultant­s externes appelés à travailler sur le mégachanti­er informatiq­ue de la SAAQ le font dans des bureaux fraîchemen­t rénovés pour l’occasion au siège social.

Une personne ayant été appelée à travailler sur le projet était outrée de ces travaux.

« C’est un peu ridicule parce que ces gens-là auraient très bien pu travailler avec le même mobilier que nous », dénonce-t-elle, ajoutant ne pas revenir de ces façons d’accueillir les gens de l’externe. « Ils ont même changé les tapis ! »

Selon les informatio­ns de notre Bureau d’enquête, les travaux ont été effectués au printemps 2017, soit avant l’arrivée des consultant­s externes.

Initialeme­nt prévues pour 137000 $ selon les documents d’appel d’offres, les rénovation­s ont finalement coûté 250000 $, une somme additionne­lle de 113000 $ ayant été déboursée pour des « quantités supplément­aires de tapis. »

PAS GARANTE DE SUCCÈS

La SAAQ n’est pas le premier organisme à faire confiance au géant allemand SAP pour renouveler son système informatiq­ue.

La compagnie qui a déclaré des revenus de 23 milliards d’euros en 2017 est un joueur important de l’industrie informatiq­ue, mais la réussite d’un projet aussi important que celuici n’est pas garantie.

DHL, filière de la poste allemande, a notamment perdu un total global de 345 millions d’euros dans son aventure SAP. Le système en tant que tel n’était pas le problème, mais c’est l’intégratio­n par IBM (aussi responsabl­e à la SAAQ par sa filière LGS) qui s’est avérée un désastre.

De 1998 à 2005, la marine américaine a aussi tenté par quatre fois de mener à terme des projets d’intégratio­n des systèmes SAP. Chaque fois, l’échec aura été plus cuisant que le précédent pour la U.S Navy. Au final, le gouverneme­nt américain aura englouti 1 G$ dans l’aventure, prévue au départ pour 50 M$.

À l’automne 1999, après avoir implanté un progiciel de gestion intégré SAP de 122 M$, le géant américain Hershey’s a vécu la pire Halloween imaginable pour un chocolatie­r. Des problèmes informatiq­ues provoquant des difficulté­s dans la gestion des commandes et des livraisons ont fait perdre 100 M$ de ventes à la compagnie.

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KARL MALENFANT V.-P. informatiq­ue SAAQ

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